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SOMMAIRE
Présidence de Mme Danièle Hoffman-Rispal
1. Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Amendements nos 3694, 999 à 1020, 1021 à 1042, 1043 à 1064
Amendement no 3854
Amendements nos 2, 3954 (sous-amendement)
2. Convocation de la conférence des présidents
3. Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Amendement no 3888A3909 (sous-amendement)
4. Modification de l’ordre du jour prioritaire
5. Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (suite)
Amendement no 3910 à 3941
Amendement no 3932A3953 (sous-amendement)
Mme la présidente. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Suite de la discussion d’un projet de loi organique
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (nos 1314, 1375).
Ce matin, le vote sur l’amendement n° 3853, à l’article 1er, a été reporté en application de l’article 61, alinéa 3 du règlement.
M. Roland Muzeau. Madame la présidente, je demande la parole.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet après-midi, je prends la relève de mon collègue Jean-Claude Sandrier.
Comme vous l’avez rappelé, l’amendement n° 3853 n’a pas été soumis au vote. Mais, sauf erreur de ma part, le Gouvernement n’a pas non plus exprimé son avis.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Si !
M. Roland Muzeau. Je vous prie de m’excuser. Dans ce cas, ma remarque n’avait pas lieu d’être.
Mme la présidente. La commission et le Gouvernement ont en effet émis un avis défavorable sur cet amendement.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n° 3853 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, chers collègues, nous avons eu ce matin un très long débat : dix-sept orateurs se sont exprimés, en effet, sur l’article 1er et chacun a pu faire part de ses observations sur la procédure des résolutions.
Nous allons aborder maintenant plusieurs séries d’amendements déposés par les membres du groupe SRC, qui posent deux questions.
Premièrement, ils demandent que soit précisé le caractère illimité du nombre de propositions de résolution que peut déposer un député. Pour atteindre cet objectif, le groupe SRC a déposé trois séries d’amendements identiques. Les amendements nos 999 à 1020 proposent que le nombre de propositions de résolution pouvant être signées par un membre d’une assemblée ne puisse être limité. Les amendements nos 1021 à 1042 visent à faire en sorte que le nombre de propositions de résolution pouvant être proposées par session ne puisse être limité. Enfin, les amendements nos 1043 à 1064 prévoient que le nombre de propositions de résolution pouvant être mises au vote par session ne peut être limité.
Ce matin, j’ai eu l’occasion d’échanger des propos avec un orateur du groupe SRC, M. Uvoas. Pour ma part, je suis prêt à donner un avis favorable aux amendements identiques nos 1021 à 1042, satisfaisant ainsi la demande du groupe SRC.
Deuxièmement, l’amendement n° 3694 vise à garantir la compatibilité des dispositions de la Constitution avec celles de la loi organique, en garantissant le droit posé par l’article 88-4 de la Constitution. Dans mon esprit, je l’ai dit en commission, cela ne pose aucune difficulté. La nouvelle procédure ne porte en rien atteinte à l’autre procédure et vice versa. Tout à l’heure, nous étions, avec M. Urvoas, parvenus à cette même conclusion. Si le groupe SRC pouvait me donner acte de l’explication que je viens de donner à propos de l’amendement n° 3694, le débat pourrait en rester là.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
M. Jean-Jacques Urvoas. Madame la présidente, je demande une suspension de séance de cinq minutes, afin de réunir notre groupe et de réfléchir à la proposition du président Warsmann.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinq, est reprise à quinze heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Je suis saisie d’un amendement n° 3694.
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Mme Marietta Karamanli. J’ai écouté avec beaucoup d’attention l’intervention de M. Warsmann sur les avancées possibles. J’aimerais que nous regardions de plus près l’amendement n° 3694. La délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne a la charge d’instruire de façon systématique les textes que lui transmet le Gouvernement, précisément en application de l’article 88-4 de la Constitution. Il s’agit donc pour elle de prendre une position sur les textes européens.
Elle peut, par ailleurs, approuver, surseoir à statuer, voire s’opposer, soit par des conclusions qui n’engagent qu’elle, soit par des propositions de résolution transmises à l’une des autres commissions permanentes.
Dans ces conditions, il conviendrait de mieux distinguer le régime particulier prévu par la Constitution, s’agissant de ces résolutions européennes, de celui précisé par le projet de loi organique.
Notre amendement tend, par conséquent, à ajouter les mots « Sans préjudice des dispositions de l’article 88-4 de la Constitution, ». Le rapporteur a dit tout à l’heure qu’il n’était pas forcément utile, c’est son analyse. Il n’est en tout cas pas contradictoire. Je souhaiterais donc qu’on l’examine avec attention et que nous puissions tous le voter.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il n’y a aucune ambiguïté. L’article 1er n’évoque que « Les propositions de résolution déposées sur le bureau d’une assemblée au titre de l’article 34-1 de la Constitution… ». Les autres résolutions sont donc totalement exclues. Vous avez eu raison de citer celles relevant de l’article 88-4 de la Constitution, mais vous auriez dû également citer les autres résolutions que l’Assemblée peut voter du fait de son propre règlement pour modifier son règlement ou créer des commissions d’enquête et dont il ne saurait être question dans une loi organique.
Donc, aux termes du titre du chapitre et de l’article lui-même, il est évident que cela ne s’applique qu’aux résolutions relevant de l’article 34-1 de la Constitution. Votre amendement n’est pas nécessaire et votre préoccupation est d’ores et déjà satisfaite. Ma réponse ne peut pas être plus claire. J’espère que le Gouvernement confirmera mon propos et que vous serez ainsi totalement rassurée.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement partage pleinement les propos du rapporteur.
Je rappelle d’ailleurs que nous avions modifié l’article 88-4 de la Constitution afin qu’il soit clairement précisé qu’il s’agissait de « résolutions européennes », celles-ci étant par définition différentes des résolutions prévues à l’article 34-1. Il n’y a pas ici, ni de près ni de loin, de risques de confusion ou d’erreur. Il est très clair que votre objectif est satisfait par la rédaction de l’article. Je ne peux donc que partager l’opinion du rapporteur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. L’article 151-4 du règlement de l’Assemblée nationale s’appliquera-t-il aussi aux résolutions de l’article 34-1 de la Constitution ? Je rappelle que pour les projets de loi portant transposition d’une directive européenne ayant fait l’objet d’une résolution adoptée par l’Assemblée, le rapport de la commission doit obligatoirement présenter en annexe une analyse des suites données à cette résolution. Je prendrai l’exemple du projet de loi sur les OGM. Une résolution avait été adoptée par l’Assemblée nationale sur le projet de directive européenne. Malheureusement, le rapporteur avait omis, dans son rapport, de rendre compte des suites qui lui avaient été données.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ma réponse sera extrêmement claire : non. Les articles 151-1, 151-2, 151-3 et 151-4 de notre règlement figurent au chapitre VII bis intitulé « Résolutions portant sur des propositions d’actes communautaires » Ils ne s’appliquent donc qu’à celles-ci et non au nouveau régime issu de l’article 34-1 de la Constitution.
(L’amendement n° 3694 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, nos 999 à 1020.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
M. Jean-Jacques Urvoas. Je vous prie de bien vouloir m’excuser, mais je n’étais pas présent dans l’hémicycle, avant la suspension de séance, lorsque le rapporteur a présenté sa proposition. Bien que mes collègues m’en aient rendu compte avec beaucoup de précision, j’aimerais, avant de donner le sentiment de notre groupe, l’entendre à nouveau.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avec ces séries d’amendements, le groupe socialiste a manifesté la volonté que soit inscrit dans la loi organique le principe selon lequel le nombre de propositions de résolution ne peut être limité. À la suite de la discussion que nous avons eue en fin de matinée dans l’hémicycle, je propose d’accepter les amendements nos 1021 à 1042, sous réserve que leur rédaction soit améliorée. Ces amendements seraient ainsi rédigés : « Le nombre de propositions de résolution pouvant être déposées par session ne peut être limité ». Je n’ai pas d’autre choix particulier, si ce n’est que votre souhait soit très clairement exprimé. Ainsi, il n’y aura pas de limitation. Le droit de proposer des résolutions est personnel. Chaque député peut déposer des propositions de résolution seul ou avec d’autres.
Acceptez-vous cette proposition, monsieur Urvoas ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
M. Jean-Jacques Urvoas. Est-ce que j’interprète bien vos propos lorsque je dis que vous êtes d’accord pour que le nombre de propositions ne soit pas limité ? Ainsi, sous réserve de l’amendement que vous nous proposerez tout à l’heure tendant à supprimer le passage en commission et sous réserve que le Gouvernement en accepte la recevabilité, les propositions de résolution viendront en discussion en séance.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Si elles sont inscrites à l’ordre du jour !
M. Jean-Jacques Urvoas. Nous acceptons votre proposition et nous retirons les deux séries d’amendements identiques, n°s 999 à 1020 et nos 1043 à 1064.
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !
(Les amendements identiques, nos 999 à 1020 sont retirés.)
Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, nos 1021 à 1042.
Ces amendements ont été présentés. La commission y est favorable, sous réserve de leur rectification.
J’en rappelle les termes :
« Compléter l’article 1er par l’alinéa suivant :
« Le nombre de propositions de résolution pouvant être déposées par session ne peut être limité ».
Acceptez-vous cette rectification, monsieur Urvoas ?
M. Jean-Jacques Urvoas. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Le Gouvernement a étudié cette proposition avec le président Warsmann. Je remercie M. Urvoas de l’avoir acceptée.
Mme Delphine Batho. C’est notre amendement !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Certes, mais il est bon de travailler ensemble si nous voulons parvenir à un texte acceptable.
M. Yves Durand. C’est bien pour cela qu’il faut un peu de temps !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Vous allez en avoir !
Le Gouvernement donne un avis favorable à la série d’amendements ainsi rectifiée, cette rectification étant purement stylistique. Je souhaite que l’Assemblée l’adopte.
M. Claude Goasguen. Très bien ! Quel dialogue !
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Je voterai ces amendements modestement rectifiés. Cela étant, certes, les parlementaires pourront déposer un nombre de résolutions illimité. Encore faudra-t-il que celles-ci puissent être discutées en séance. Telle n’est probablement pas l’intention du Gouvernement et de sa majorité.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Vous ne pouvez pas dire cela !
(Les amendements identiques, nos 1021 à 1042, tels qu’ils viennent d’être rectifiés, sont adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de d’une série d’amendements identiques, nos 1043 à 1064.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
M. Jean-Jacques Urvoas. Comme je l’ai déjà indiqué, madame la présidente, nous retirons ces amendements.
(Les amendements identiques nos 1043 à 1064 sont retirés.)
(L’article 1er, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. Sur l’article 2, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à M. Jean Mallot.
M. Jean Mallot. Nous abordons l’article 2 du projet de loi organique qui risque de nous occuper longtemps encore. Cet article 2 met en œuvre la procédure de traitement des propositions de résolution après qu’elles auront été déposées sur le bureau d’une assemblée.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous faites souvent observer que les projets de loi, voire les lois, sont mal rédigés. Dans l’exposé des motifs, il est d’ailleurs question d’y mettre bon ordre. Vous me permettrez, en conséquence, de faire une observation peut être un peu désagréable, mais une fois n’est pas coutume : il me semble que la rédaction des deux alinéas de cet article pèche. Ainsi, il est précisé dans l’alinéa 1 que le président de l’Assemblée renvoie toute proposition, au singulier, alors que l’alinéa 2 mentionne qu’« il les transmet sans délai au Premier ministre. » Il serait selon moi préférable d’opter pour le singulier dans ces deux alinéas.
Vous nous avez expliqué que, pour appliquer l’article 34-1 de la Constitution, une loi organique était nécessaire. C’est clair, puisque ce principe est inscrit dans la Constitution. Il faut effectivement une loi organique, mais pas forcément cette loi organique avec ce contenu précis.
Ce texte aurait, en particulier, dû être purgé de tout ce qui ne relève pas de la loi organique, notamment l’alinéa 1 de l’article 2, à savoir que « Le président de l’assemblée renvoie toute proposition de résolution à l’une des commissions mentionnées à l’article 43 de la Constitution. » Cet alinéa relève à peine du règlement intérieur de l’Assemblée. Il s’agit quasiment d’un courrier interne. En quoi est-il utile de préciser que le président de l’Assemblée envoie une proposition de résolution à telle ou telle commission ? C’est un travail interne qui ne me semble pas être du domaine d’une loi organique. Sans doute des juristes me démontreront-ils le contraire. C’est l’intérêt du débat parlementaire. J’écouterai donc leurs arguments.
Aux termes de l’alinéa 1 de l’article 2, le président de l’assemblée renvoie toute proposition de résolution à l’une des commissions mentionnées à l’article 43 de la Constitution. La révision constitutionnelle de juillet a modifié l’organisation de nos commissions, puisqu’elle prévoit qu’il y en aura huit au lieu de six et que les commissions spéciales seront de deuxième rang par rapport aux commissions permanentes. Il conviendrait que le rapporteur, puisque cela n’est pas l’affaire du secrétaire d’État, nous explique comment il voit les choses. Le président renverra-t-il par priorité à une commission permanente ou à une commission spéciale ? Il me semble que ce point devrait être traité.
Je compléterai mon intervention sur cet article en soulevant un certain nombre de questions qui, au travers des amendements que nous allons examiner et des débats que nous allons avoir, devront être traités par le Gouvernement, concernant l’alinéa 2, et par le rapporteur, s’agissant strictement de notre assemblée. J’évoquerai notamment la possibilité d’amender ces résolutions.
On nous explique que les résolutions ne seront pas amendables. Certes, on comprend les arguments mais on voit bien que les textes seront en réalité négociés en amont et que, par ce biais, le travail parlementaire public sera sérieusement appauvri.
Le deuxième point, qui est lié à la question du veto du Premier ministre que nous verrons à l’article 3, porte sur le contenu des résolutions et le fait qu’elles puissent mettre en cause la responsabilité du Gouvernement ou constituer une injonction.
Le rapport de M. Warsmann, que j’ai lu très attentivement, évoque plusieurs particularités, notamment qu’une résolution sera déposée et discutée dans une assemblée et qu’il n’y aura pas de navette. Nous comprenons parfaitement, mais qu’est-ce qui empêchera l’autre assemblée de mettre en discussion et de voter une résolution identique, lui donnant ainsi une force particulière ? Une résolution, qui aura forcément un contenu politique, votée dans les mêmes termes par les deux assemblées, ressemblera fortement à une mise en cause de la responsabilité du Gouvernement, et il faudrait que vous précisiez l’interprétation que vous en faites les uns et les autres.
Dernier élément, aux termes du rapport de M. Warsmann, il ne sera pas possible d’examiner conjointement plusieurs propositions de résolution. Mais cela ne figure aucunement dans le texte qui nous est présenté. Il faudrait donc que vous nous expliquiez comment cela sera mis en œuvre. Allez-vous introduire une disposition en ce sens dans le règlement de l’Assemblée ? Même si cela ne concerne pas directement le Gouvernement, les intentions des uns et des autres à cet égard méritent d’être clarifiées. Des propositions de résolution ayant des objets voisins – nous discuterons plus tard de la notion d’objet –, connexes ou quasiment identiques, déposées par des députés du même groupe ou pas, devront-elles être discutées séparément ? Cela paraît un peu bizarre. Je pense que, lorsque des résolutions porteront sur des mêmes sujets, on sera amené à organiser des discussions conjointes et donc à utiliser d’autres dispositions pour nous exprimer dans l’hémicycle, comme une déclaration du gouvernement avec débat ou simplement un débat. Il y a là une zone de flou qui mériterait d’être clarifiée.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.
M. Christophe Caresche. Avec l’article 2 et l’amendement déposé par notre rapporteur, qui le modifie très sensiblement, nous abordons la question de savoir si les projets de résolution doivent être renvoyés en commission pour être ensuite examinés en séance ou s’ils doivent être directement examinés en séance, comme nous le propose le rapporteur.
Vous avancez trois arguments, monsieur le rapporteur, pour justifier le fait qu’un projet de résolution soit directement examiné en séance sans passer en commission, arguments que, personnellement, je trouve discutables.
Le premier argument, c’est que l’examen en commission serait redondant avec l’examen en séance et que ce serait en quelque sorte une perte de temps pour la commission. C’est une condamnation du système actuel puisque tout projet de loi – ou toute proposition de loi – est examiné en commission avant d’être examiné en séance dans les mêmes termes. Mais on peut aussi considérer que l’examen en commission, dès lors que c’est un travail constructif, permet d’éviter un examen trop long en séance. Ce n’est donc pas nécessairement une perte de temps. Cela permet au contraire d’échanger des arguments, voire de modifier, j’y viendrai, la proposition de résolution.
Le deuxième argument est lui aussi assez spécieux. Vous nous expliquez que, si le Gouvernement déclare l’irrecevabilité, la commission aura travaillé pour rien. Soit, mais le travail réalisé en commission pourra éclairer l’ensemble de l’Assemblée, notamment sur la question de la recevabilité. Il est intéressant d’avoir un tel débat, y compris en commission, Nous souhaitons en effet qu’il puisse avoir lieu, même si nous ne contestons pas, puisque c’est inscrit dans la Constitution, que la décision relève du Gouvernement.
Troisième argument, le rapport établi à propos d’un projet de résolution risque de contenir des injonctions vis-à-vis du Gouvernement. Là encore, l’argument est assez spécieux. Dès lors que le problème de la recevabilité est posé, les rapporteurs pourraient s’astreindre à respecter les prérogatives du Gouvernement.
Pour toutes ces raisons, je pense que votre système n’est pas le bon. Nous contestons surtout qu’il parte du principe que le projet de résolution ne peut pas être modifié. Selon nous, un projet de résolution devrait suivre les mêmes modalités de la procédure parlementaire qu’un projet de loi ou une proposition de loi. Il devrait donc être examiné en commission, voire modifié comme on le fait pour un projet de loi ou une proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
M. Jean-Jacques Urvoas. Je voudrais attirer l’attention de mes collègues à ce stade sur une curiosité, je n’ose pas dire une contradiction.
La Constitution n’utilise pas indistinctement les termes de Gouvernement ou de Premier ministre, elle est très précise. Selon l’article 38, c’est le Gouvernement qui, pour l’exécution de son programme, peut demander au Parlement l’autorisation de prendre certaines mesures par ordonnances. Selon l’article 39, l’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement. Le projet de loi organique n’est-il donc pas en contradiction avec la Constitution quand il prévoit que c’est le Gouvernement qui décide de l’irrecevabilité des résolutions et le Premier ministre qui est amené à se prononcer ? Je soulève dès maintenant cette question pour permettre au Gouvernement de réfléchir à la réponse éventuelle qu’il pourrait apporter.
Aux termes de l’article 2, le président de l’Assemblée renvoie toute proposition de résolution à une commission. En commission des lois, notre rapporteur a proposé de supprimer ce passage en commission et je voudrais vous faire part de notre interrogation.
L’essentiel des mesures proposées dans ce projet de loi organique tendent théoriquement à donner un pouvoir supplémentaire aux commissions, dans lesquelles on peut véritablement enrichir la loi et aller plus facilement au fond en prenant plus de temps pour travailler, en tout cas si je fais crédit au Gouvernement et au rapporteur, mais singulièrement ici au président de la commission des lois.
Si l’on supprime le passage en commission, je ne suis pas certain qu’on y gagne beaucoup, d’autant que les sujets sont parfois transversaux. Il est vrai que le fait d’attribuer une proposition de résolution à une seule commission pourrait se révéler restrictif mais, l’intérêt, c’est que ses membres puissent faire œuvre d’expertise pour que, lors du débat qui aura lieu en séance, nous puissions avoir des échanges de qualité qui se traduisent par l’adoption de cette résolution. Chacun sait qu’elle n’aura pas de dimension contraignante mais, pour être utile, elle devra être précise, juste et parfaite.
Dans le courrier qu’il a adressé le 18 juillet au Premier ministre, M. François Fillon, où il évoquait le comité Balladur qu’il allait mettre en place et qui avait vocation à faire des propositions. M. le Président de la République, Nicolas Sarkozy, suggérait que le Parlement puisse émettre ce type de résolution, comme on en trouve d’ailleurs dans tous les Parlements démocratiques, de façon à influencer le travail gouvernemental.
Pour que nos résolutions aient la force d’influencer le travail du Gouvernement, sans contraindre ce dernier, dans le respect de la séparation des pouvoirs, donc sans injonction, elles doivent être le plus précises possible. C’est donc peut-être dommage que le passage en commission soit supprimé.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Raimbourg.
M. Dominique Raimbourg. Trois brèves observations.
Première observation, il est tout à fait dommageable que la recevabilité ne soit appréciée que par le Premier ministre. Un examen par une commission aurait pu s’imposer.
Deuxième observation, dès l’instant où un signataire peut modifier sa proposition, il paraît utile qu’il y ait une discussion en commission et qu’il puisse enrichir son texte ou en supprimer certaines parties en fonction de cette discussion. Ce n’est pas en contradiction avec le texte tel qu’il nous est proposé.
Troisième observation, une réflexion est nécessaire, et cela passe par un examen en commission. C’est à ce moment-là que le travail se fait et que la réflexion peut progresser. Il serait donc dommage de s’en priver.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.
M. Alain Vidalies. Il y a une vraie interrogation sur votre initiative, monsieur le rapporteur, qui touche au fond à l’objectif ou à l’intérêt même de ces décisions.
Ce qu’on en attend, c’est d’avoir un outil supplémentaire qui, pour répondre à ce que vous appelez le bavardage de la loi, permette néanmoins à l’Assemblée d’avoir un débat et de se prononcer, en évitant que l’on inscrive ces considérations dans un texte normatif. Je crois que c’est, en résumé, l’intérêt des résolutions.
Pour protéger l’opposition, si j’ai bien compris le raisonnement, vous proposez de supprimer le passage en commission et de renvoyer directement la proposition au débat dans l’hémicycle. Je vous remercie de vouloir nous protéger malgré nous mais, si ce texte ne vient pas en commission, quand sera-t-il discuté et sur la décision de qui ? Nombre de résolutions risquent de ne pas être inscrites à l’ordre du jour et de s’entasser ici ou là. Ce n’est pas inventer une difficulté que de dire qu’il serait beaucoup plus facile d’avoir des discussions en commission, d’autant que nous aurons des commissions supplémentaires, que d’attendre que le débat soit organisé en séance.
Ensuite, la question dépend de l’intérêt d’une telle initiative. Il peut s’agir, tout d’abord, de la nécessité pour la représentation nationale d’émettre sur tel ou tel sujet, à un moment donné, une position consensuelle ou collective. Pour finaliser une telle position, il me semble que le travail en commission est un préalable indispensable, car il serait absurde qu’en appelant en séance publique un texte non préparé, sur lequel les accords possibles n’ont pas été vérifiés, on se prive de la possibilité d’une expression collective de l’Assemblée nationale.
L’autre intérêt d’une résolution peut être la possibilité pour tel ou tel groupe de faire examiner l’une de ses prises de position. Rien n’oblige la majorité à décider par avance qu’il faudrait court-circuiter systématiquement les commissions. Vous pourriez nous expliquer plutôt que le travail en commission sera conduit et que, si la majorité n’y souscrit pas, elle ne s’oppose pas non plus à ce que la résolution vienne en séance publique.
Vous avez une curieuse conception du rôle de la majorité, selon laquelle il faudrait systématiquement empêcher que les initiatives de l’opposition puissent être appelées. Vous vous abritez derrière cette hypothèse pour suivre une démarche dont on ne comprend pas bien l’intérêt. À moins qu’il ne s’agisse d’une coquille vide. Car c’est la procédure normale de définition de l’ordre du jour qui décidera, à supposer que le veto gouvernemental ne joue pas, du sort de la résolution. Le problème sera donc exactement le même, compte tenu des conditions d’élaboration de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Dans tous les cas, si nous pouvons partager l’objectif d’efficacité recherché, ce dispositif va à l’encontre d’un tel objectif. Dans la mesure où vous avez dit qu’il s’agissait de nous protéger, je vous suggère plutôt de retenir nos arguments, dont nous assumerons la responsabilité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Mme Marietta Karamanli. Je suis quelque peu surprise des modifications proposées pour la rédaction de l’article 2. Vous entendez simplifier la procédure de discussion des propositions de résolution en supprimant, par amendement, leur examen préalable en commission. Au moment où il est question du renforcement du rôle des parlementaires et des commissions, ce n’est pas en rabotant les procédures de discussion et de vote que l’on y contribuera ! Je trouve donc ces modifications regrettables, sans parler de l’absence de référence à l’article 88-4 de la Constitution, dont nous parlerons tout à l’heure, concernant les résolutions provenant des institutions européennes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Chers collègues, nous sommes attachés à la clarté de nos débats. Hier, notre collègue Jean Mallot a soulevé la question du caractère organique ou non de l’alinéa 1 de l’article 2, dont nous pensons que celui-ci est dépourvu. Nous n’avons obtenu aucune réponse. Nous étions pourtant très attachés à en obtenir une, compte tenu du fait que plus de mille amendements de l’opposition ont été déclarés irrecevables sur un tel fondement. Si ce projet de loi comportait lui-même des dispositions qui ne sont pas de nature organique, il y aurait rupture de l’égalité des armes entre le Gouvernement et les parlementaires.
À défaut de réponse, nous ne manquerons pas de rendre hommage au talent et à l’ingéniosité du président de la commission, qui propose un amendement de suppression de cet alinéa. S’il le justifie par le fait qu’il ne serait pas nécessaire que les résolutions passent en commission, cet amendement peut s’interpréter bien davantage comme le moyen d’éviter une censure de cette disposition par le Conseil constitutionnel, car M. Warsmann a parfaitement compris que celle-ci n’était pas de nature organique ; il développe toute une théorie de l’inutilité d’un passage en commission pour la seule raison qu’il est absolument nécessaire de supprimer l’alinéa 1 de l’article 2.
Sur le fond, il y a une contradiction entre l’invocation à chaque instant de la revalorisation des commissions et le refus de leur faire connaître des résolutions. Globalement, nous n’aurions plus vocation, en séance publique, qu’à prononcer des vœux, à voter des résolutions et des motions, tandis que le véritable travail législatif serait renvoyé quasi exclusivement en commission, et traité seulement de façon expéditive en séance publique.
Il existe pour les propositions de loi un dispositif selon lequel la commission peut prononcer le rejet des propositions de l’opposition. Il s’agit d’un cliquet ou d’un verrou de nature parlementaire. Vous remplacez un tel système par un verrou de nature exécutive, à la discrétion du Premier ministre. C’est un véritable changement de nature, alors qu’il aurait été possible de conserver pour les résolutions le même mécanisme que pour les propositions de loi.
Mais il est si vrai que vous souhaitez mettre ce verrou dans les mains du Premier ministre que le rapporteur écrit, à la page 74 de son rapport : « La position de la commission serait rendue particulièrement inconfortable si le Gouvernement déclarait l’irrecevabilité d’une proposition de résolution après son examen en commission. » Si l’on appliquait un dispositif comparable à celui qui fonctionne bien pour les propositions de loi, le système de censure que vous avez créé par le biais de l’article 3 et du mécanisme d’irrecevabilité de nature gouvernementale deviendrait par trop visible.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Montebourg.
M. Arnaud Montebourg. Résumons un peu la situation. Cet article 2 pourrait s’intituler « De l’art de rendre fictifs des droits présentés comme une sorte de boniment politique à l’extérieur de l’hémicycle pour mieux les dénaturer et les vider de leur contenu, amendement après amendement ».
M. Jean Mallot. Très bien !
M. Arnaud Montebourg. Vous nous dites « droit d’amendement » et « soyez constructifs », mais alors que nous vous proposons des amendements sur le passage des résolutions en commission, vous répondez : « Ah non, là, on passe directement ; il n’y aura pas de passage en commission. »
C’est seulement si vous nous dites que vous voulez que nous progressions ensemble, que nous pouvons vous entendre. Nous avons essayé de faire un bout de chemin cet été ; cela n’a pas marché parce qu’un certain nombre de conditions – que vous aviez vous-mêmes admises puisqu’elles figuraient dans les lettres et promesses verbales des dirigeants de la majorité – n’ont pas été respectées.
Nous vous prenons à présent au mot, et nous proposons la possibilité de rendre des résolutions qui seraient irrecevables, parce que le Gouvernement estimerait qu’elles mettent en cause sa responsabilité, recevables, en les portant en commission, où l’on discute, à huis clos, pour concilier les points de vue, et où, même, la majorité pourrait rencontrer les desiderata de l’opposition. Car une bonne résolution, pour une assemblée délibérante exerçant la souveraineté du peuple, ce peut être la conciliation et l’unanimité ou la quasi-unanimité sur des sujets transpartisans comme le génocide arménien et beaucoup d’autres.
Un député UMP. Cela ne regarde pas l’Assemblée !
M. Arnaud Montebourg. Il y a beaucoup de sujets qui ne regarderaient pas l’Assemblée et dont elle a raison de se mêler. Car, précisément, le Gouvernement s’en mêle, et nous devons, comme le disait notre collègue Jean-Jacques Urvoas, influencer sa marche, sans jamais la contraindre ni enfreindre les règles de mise en cause de la responsabilité gouvernementale.
Nous vous adressons ces propositions, mais vous nous dites : « Circulez, ce n’est pas possible. » Nous avons donc un petit problème, monsieur le secrétaire d’État ! Nous avons été tout à l’heure plusieurs députés de l’opposition à vous dire que nous attendions toujours vos propositions sur le point de blocage majeur de ce texte, qui est son dernier article, sur lequel l’affrontement est total. Nous attendons le début du commencement d’une proposition, qui n’est toujours pas venu…
M. Claude Goasguen. Il fallait le dire plus tôt ! C’est la carotte !
M. Arnaud Montebourg. Monsieur le secrétaire d’État, vous vous plaignez de nos prolongations, qui, d’ailleurs, usent peu votre patience, car nous connaissons votre flegme…
M. Jean Mallot. Quasi britannique !
M. Arnaud Montebourg. « Britannique » est un terme excessif s’agissant de M. Karoutchi (Rires), mais « quasi » est là pour rétablir la vérité.
Alors qu’il n’y a nulle obstruction de notre part, car vous voyez que le débat avance, vous vous plaignez de nos prolongations, mais, précisément, vous ne faites rien pour nous amener à discuter sérieusement du problème. Nous ne sommes pas dans un conseil général ou un conseil municipal : nous sommes en train d’écrire la loi, la loi organique, même, c’est-à-dire une loi quasi constitutionnelle pour les années à venir.
Vous souffrirez donc – c’est une expression que nous affectionnons particulièrement sur ces bancs – que nous vous demandions de prendre votre mal en patience, car nous avons trois semaines devant nous, s’il le faut. Lorsque vous nous ferez des propositions, monsieur le secrétaire d’État, je pense que vous pourrez retrouver le sourire.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Durand.
M. Yves Durand. Monsieur le secrétaire d’État, je ne comprends pas pourquoi vous insistez sur la suppression du passage des résolutions en commission. Le président de la commission, en accord avec vous, a fait tout à l’heure un pas en notre direction, en considérant que le nombre de résolutions ne pouvait être limité. Entendant cela, nous avons accepté de retirer un certain nombre de nos amendements.
Or, par cet article 2, vous reprenez d’une main ce que vous avez donné de l’autre. Si les résolutions ne passent pas en commission, quel sera leur sort ? Elles se retrouveront en tête à tête avec le Gouvernement, sans passer par l’onction des commissions, après discussion et adoption, et avec le seul mur du veto du Premier ministre.
Vous allez, de ce fait, faciliter le rejet des résolutions par le chef du Gouvernement. Non seulement vous reprenez d’un côté ce que vous donnez de l’autre, mais, surtout, c’est toujours la même chose : vous ne voulez pas faciliter l’expression des parlementaires. Certes, tout à l’heure, vous avez fait un geste en acceptant certains de nos amendements, sur proposition de M. le président de la commission des lois ; mais, immédiatement après, vous verrouillez tout et refusez ce qui aurait dû être la conséquence normale de votre décision.
Je reprends l’argumentation que j’ai exposée hier, lors de la défense d’un amendement : vous nous proposez, monsieur le secrétaire d’État, un projet de loi de circonstance qui n’a rien à voir avec l’extension des droits du Parlement que vous déclarez défendre. En fin de compte, derrière un certain nombre de termes, votre texte cache une réalité qui est très exactement le contraire de ce que vous prétendez. Voilà pourquoi je souhaite que vous-même alliez jusqu’au bout de la logique que vous avez engagée tout à l’heure.
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 3854, tendant à supprimer l’article 2.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Lors du débat sur la réforme constitutionnelle, en mai dernier, nous avions émis de très larges doutes sur ce fameux principe de résolution. Tel que l’article 12 du projet de loi voté en juillet 2008 était rédigé, il s’agissait en réalité d’un simple artifice pour faire croire à un renforcement des pouvoirs des parlementaires. Vous ne nous aviez pas convaincus à l’époque, monsieur le secrétaire d’État, et nous ne le sommes toujours pas aujourd’hui ! Ce nouvel outil occupera une bonne partie du temps de l’initiative parlementaire et nous égarera dans des débats non sans intérêt, mais sans conséquences juridiques ou politiques puisque ces résolutions ne seront en rien contraignantes. Elles se perdront au milieu des annonces du Gouvernement, de celles du chef de l’État, des lois proposées, votées et, surtout, embrouilleront plus encore les citoyens.
Avec le groupe GDR, nous étions largement revenus, tout au long des débats de mai dernier, sur l’importance de replacer les citoyens au coeur de cette réforme pour « les réconcilier avec la politique », comme on dit. Or la mise en place de ce dispositif est loin, très loin, d’y participer. Bien au contraire.
Par ailleurs, avec cet article, les propositions de résolution sont soumises au bon vouloir du Gouvernement qui, en fonction de ses impératifs politiques, donnera suite, ou pas, aux propositions parlementaires. Dans de telles conditions, poser la question du devenir des résolutions, c’est probablement déjà y répondre.
M. Jean Mallot. Eh oui !
M. Roland Muzeau. Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une fois encore, permettez-moi de poser la question : à quoi servons-nous ? Le recours à ce pseudo nouvel outil parlementaire est un artifice qui masque, de fait, l’affaiblissement des pouvoirs du Parlement. Comme le Gouvernement aura le dernier mot dans l’inscription des résolutions à l’ordre du jour de notre assemblée et que ces résolutions ne seront pas contraignantes, nous ne pouvons en aucun cas accepter de cautionner cet article qui, loin de renforcer nos prérogatives, les dévalorise et les discrédite.
Ces résolutions n’ont, malheureusement, au vu des termes que vous employez tout au long de ces cinq articles, qu’une seule et unique fonction : détourner le Parlement de ses missions essentielles au profit de l’exercice de la seule fonction tribunicienne – et encore, à condition que celle-ci soit exercée ! Cela se matérialisera concrètement par des heures passées à la recherche d’un accord, au mot près, sur des déclarations d’intentions ou de principe, au contenu plus ou moins vaporeux et totalement dépourvu d’effet juridique.
C’est pourquoi nous demandons le retrait ou la suppression de cet article.
M. Jean Mallot. Bien sûr !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable. J’aurai l’occasion de répondre aux questions qui m’ont été posées quand je présenterai l’amendement suivant.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Avis défavorable.
(L’amendement n° 3854 n’est pas adopté.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
M. Jean-Jacques Urvoas. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
M. Jean-Jacques Urvoas. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1. J’interpelle le secrétaire d’État sur le déroulement de nos travaux parce qu’il semble que seuls certains parlementaires sont informés de ce que l’on entend dire dans les couloirs de cette noble assemblée, à savoir que l’Assemblée travaillera samedi matin. Le groupe SRC ne dispose pas de cette information. Si elle était confirmée, cela nous ravirait puisque nous sommes prêts à travailler jusqu’au bout de la nuit et pendant des jours…
M. Guy Geoffroy et M. Pierre Lequiller. C’est sûr ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Urvoas. …sur l’ensemble des articles pour tout clarifier et dissiper tous les malentendus qu’a fait naître ce projet de loi.
Mais si nous devions travailler samedi matin, il conviendrait tout de même, monsieur le secrétaire d’État, que nous puissions nous organiser afin que les parlementaires soient en mesure de défendre leurs amendements. C’est surprenant de découvrir par hasard, à l’occasion d’une suspension de séance, que certains de nos collègues sont déjà informés. Moi, qui suis dans l’hémicycle et travaille sur ce texte depuis mardi, selon l’ordre du jour arrêté par la conférence des présidents, je n’en savais rien. À ma connaissance, il n’y a pas eu de nouvelle conférence des présidents et, pourtant, on apprend subitement que l’on travaillera samedi matin. Beaucoup de députés le savaient, mais pas nous.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Monsieur Urvoas, je ne sais pas quels sont les députés qui savent et ceux qui ne savent pas. À l’issue de la matinée – vous voyez, c’est tout récent –, j’ai eu une conversation avec le président de l’Assemblée nationale sur l’état d’avancement de nos travaux.
M. Roland Muzeau. Et alors ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Je lui ai redit que les textes relatifs au logement et à l’hôpital attendaient d’être examinés.
M. Roland Muzeau. Vous n’aviez qu’à les faire passer avant celui-ci !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Ce n’était pas possible, monsieur Muzeau, en raison de la date butoir du 1er mars 2009.
Vu le rythme de nos travaux, il faudrait des jours et des nuits – pour ne pas dire des semaines – pour terminer l’examen de ce texte. Par conséquent, j’ai demandé au président de l’Assemblée nationale si, à son retour, il était possible de tenir une conférence des présidents pour en parler, et j’attends qu’il me le confirme. Très clairement, si le rythme n’accélère pas, je serai obligé d’augmenter le nombre de séances prévues. Mais le Gouvernement ne peut ouvrir des jours supplémentaires comme le samedi, sans une réunion de la conférence des présidents. Il y en aura donc une tout à l’heure.
M. Bruno Le Roux. Nous aussi, nous devons nous organiser !
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 2, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de suppression de l’alinéa 1 du texte du Gouvernement, et M. Mallot va être satisfait puisqu’il la souhaite. Je l’ai déposé non pas parce que cet alinéa n’était pas organique – il remplit tout à fait les conditions de dépôt et de débat des résolutions – mais dans un souci de clarté.
L’article 1er prévoit que tout député, même seul, peut déposer autant de propositions de résolution qu’il veut. À partir du dépôt, court un délai qui va s’achever au moment de l’inscription à l’ordre du jour, et durant lequel le Gouvernement peut déclarer la proposition irrecevable. La résolution va alors être discutée.
Première question : faut-il des amendements ? Le projet de loi organique propose qu’il n’y en ait pas, et je suis évidemment de cet avis : une résolution est faite pour être débattue. Si vous autorisez des amendements, une majorité de circonstance pourra modifier la résolution, si bien que celle qui arrivera en débat ne sera plus celle de l’auteur.
M. Guy Geoffroy. Évidemment !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Dans une assemblée où existe une majorité forte, les groupes minoritaires ne verront jamais leur résolution venir en discussion tel qu’ils l’auront rédigée, mais réécrite par le groupe majoritaire. Cela n’aura aucun sens.
M. Guy Geoffroy. C’est la fin des résolutions !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il nous semble évident qu’il n’y a pas lieu d’autoriser les amendements ; c’est bien la résolution ainsi que l’a rédigée son auteur qui doit venir en débat. En revanche, il nous semble intelligent de prévoir une modification du texte par son auteur, donc pas sous forme d’amendement mais d’une ou de plusieurs rectifications. Voilà l’esprit général.
Deuxième étape : faut-il réunir les commissions ? Dans vos interventions, vous avez fourni tous les arguments. M. Vidalies en a donné un excellent : il se prononce pour l’examen en commission, mais à condition que la majorité s’abstienne de voter à la fin. Chacun constate qu’il existe un malaise et que cet examen serait redondant.
Christophe Caresche trouve que mon argument n’est pas convaincant, qu’il est spécieux, mais je le maintiens : quand on débat un texte de loi, ce n’est pas pour rien mais pour émettre des avis sur des amendements. Mieux : après la révision constitutionnelle, le texte sortant de la commission constituera la base du débat dans l’hémicycle. Dans le cas d’une résolution, on ne peut rien modifier puisqu’il n’y a pas d’amendements. Dans ces conditions, quel serait l’apport d’une ou de plusieurs commissions – une résolution peut, en effet, être extrêmement vaste et recouvrir les domaines de deux, trois ou quatre commissions – en terme de valeur ajoutée ? À mon avis, il serait nul.
En outre, se pose un problème de délai, fixé à huit jours dans le projet de loi du Gouvernement. Évidemment, il faut un délai entre le moment où un député a manifesté la volonté de déposer sa proposition de résolution et le moment où on va la débattre dans l’hémicycle. Faut-il l’allonger ? Je n’en suis pas sûr. Même s’il n’est pas luxueux, le délai prévu laisse au Gouvernement le temps de faire valoir une possible irrecevabilité.
Que se passe-t-il très concrètement ? À la suite d’événements qui se déroulent dans tel ou endroit, le groupe socialiste décide de présenter une résolution dans dix jours ou trois semaines, profitant du jeudi qui lui est réservé. Elle est déposée aujourd’hui. La semaine prochaine, le président du groupe socialiste va indiquer, en conférence des présidents, qu’il a l’intention de l’inscrire à l’ordre du jour. On organise, par amendement, une procédure flash : il doit en informer le Gouvernement quarante-huit heures avant, ce qui met fin au pouvoir de ce dernier d’opposer l’irrecevabilité. À partir du moment où l’inscription est prononcée, on entre dans une deuxième phase : la résolution existe ; le Gouvernement a perdu son pouvoir d’y opposer l’irrecevabilité. En revanche, nous ouvrons un deuxième droit : celui de la rectifier, car dans les jours précédant le débat en séance et pendant la durée de celui-ci, la nécessité d’enrichir la résolution pourra apparaître.
Ce dispositif permet de respecter la volonté de l’auteur de la résolution – c’est bien son texte qui sera discuté –, tout en introduisant de la souplesse dans les débats. Voilà pourquoi l’article 2 me semble suffisant en étant extrêmement simplifié et en prévoyant que le président de chaque assemblée transmet, sans délai, toute proposition de résolution au Premier ministre.
J’ai aperçu certains sous-amendements qui stipulent « sans préjudice des dispositions de l’article 88-4 » et auxquels j’oppose le même argument que tout à l’heure : nous sommes dans un chapitre différent et des dispositions différentes. Les sous-amendements prévoient aussi d’informer « les commissions parlementaires compétentes. » Soyons clairs : si je dépose une proposition de résolution à quinze heures, le président doit évidemment l’envoyer tout de suite au Gouvernement qui peut la déclarer irrecevable. Mais quel est l’intérêt de la transmettre immédiatement aux commissions permanentes, aux présidents des groupes ou aux membres de l’Assemblée ? Aucun, me semble-t-il.
Le processus ressemble à celui qui régit les propositions de loi. Si je dépose une proposition de loi, elle va passer à la délégation du Bureau qui va se prononcer sur sa recevabilité. Matériellement, on va m’envoyer un bon à tirer pour savoir si je suis d’accord avec la proposition de loi. Ensuite, elle est diffusée. Ce dont nous débattons relève, en quelque sorte, du même mécanisme.
Je souhaiterais bien sûr que l’amendement soit adopté, mais je dois avouer que je ne suis pas convaincu par les sous-amendements.
Mme la présidente. Je suis saisie d’un sous-amendement n° 3954.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
M. Jean-Jacques Urvoas. Ce sous-amendement à l’amendement du rapporteur prévoit, à l’alinéa 2, de réinsérer les mots suivants : « Sans préjudice des dispositions de l’article 88-4 de la Constitution. » Par ce sous-amendement, il s’agit d’assurer la compatibilité des dispositions de la Constitution avec celles de la loi organique, en garantissant le droit du Parlement – posé par l’article 88-4 de la Constitution – à donner un avis et à exprimer sa position sur les actes et documents émanant des institutions européennes rentrant dans le cadre des prérogatives consultatives.
À entendre le rapporteur, nous nous inquiétons à peu de frais, et le titre même du chapitre dans lequel figure l’article 1er restreint le champ d’application de cet article aux dispositions prévues à l’article 34-1 de la nouvelle Constitution. Nous entendons cet argument, mais qui peut le plus, peut le moins. Si cela va de soi, il ne coûte donc rien de le préciser. À de multiples reprises, vous nous avez répété que cela ne relèverait pas d’une loi organique, ce que nous continuons à contester, en n’y voyant qu’un simple argument d’autorité.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Oh !
M. Jean-Jacques Urvoas. Rappelons que si le Conseil constitutionnel avait un jugement global, il lui suffirait de déclasser cette disposition, ce qui n’annulerait pas la loi, comme l’a montré la jurisprudence dite Nouméa que j’ai eu l’occasion de citer. Nous vous suggérons donc d’être compréhensifs avec cette volonté de bien faire, et de permettre à la représentation nationale de pouvoir adopter les résolutions qu’elle souhaite dans tous les domaines qui lui importent.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 2 ?
Cet amendement faisant l’objet de nombreux sous-amendements, pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous donner l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 3954 sur lequel M. le rapporteur s’est déjà exprimé ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Avec votre permission, madame la présidente, je vais imiter le rapporteur et donner un avis global sur l’amendement et l’ensemble des sous-amendements, pour plus de clarté.
Dans sa rédaction initiale, le Gouvernement avait envisagé le passage en commission. Cela étant, un peu plus loin dans le texte, il est écrit que les résolutions ne peuvent pas être amendées. Chacun peut le comprendre. Imaginons une résolution Caresche exprimant le mécontentement extrême du groupe socialiste face à tel élément de la politique gouvernementale.
M. Jean Mallot. C’est vrai ça !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Une fois amendée par la majorité, cette résolution Caresche indiquerait que le groupe socialiste est ravi de la politique gouvernementale dans tel ou tel secteur.
M. Jean Mallot. Et je ne suis même pas sûr que l’UMP la voterait !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Naturellement, je me réjouirais de cet effet de l’ouverture, mais je ne suis pas convaincu que M. Caresche serait d’accord. Une résolution ne doit pas être modifiée pour rester marquée par l’identité de son auteur ou du groupe qui l’a déposée. Puisque le texte de la résolution ne peut pas être amendé, la légitimité de son passage en commission peut se poser.
Au cours des débats qui se sont déroulés hier et ce matin, j’ai d’ailleurs entendu des arguments assez contradictoires. Quand je loue régulièrement le travail en commission, les six semaines constitutionnelles et les droits d’amendement, on me répond sur les bancs du groupe comme hier en séance : tout cela est sympathique, mais compte peu ; la véritable expression est dans l’hémicycle et pas en commission.
M. Jean Mallot. Ce n’est pas contradictoire !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Là on me dit : n’imaginez pas qu’une résolution puisse être discutée directement dans l’hémicycle, sans un passage en commission, y compris si on ne peut pas l’amender ou la modifier.
La commission est un lieu de débat. Si on ne peut ni amender ni voter en fin de commission car la majorité pourrait se prononcer contre la résolution, il faut clarifier le processus : on présente une résolution, elle est inscrite, puis débattue dans l’hémicycle. Il s’agit d’une affirmation forte et politique d’un groupe par rapport à tel ou tel secteur de l’action gouvernementale. Cela me semble plus cohérent.
M. Philippe Vitel. Absolument !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Dans ces conditions, le Gouvernement donne un avis favorable à l’amendement de la commission et – à regret car je comprends l’idée mais pas pourquoi vous voulez complexifier le système – un avis défavorable au sous-amendement. Nous l’avions d’ailleurs annoncé lors du débat précédent sur les résolutions européennes.
Mme la présidente. Sur le vote du sous-amendement n° 3954, je suis saisie par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. M. le président de l’Assemblée nationale a convoqué la conférence des présidents à dix-sept heures, cet après-midi, dans les salons de la présidence.
M. Roland Muzeau. Voilà la magouille !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Quelle honte de dire cela ! Respectez le fonctionnement de l’Assemblée nationale !
Suite de la discussion d’un projet de loi organique
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (nos 1314, 1375).
Nous reprenons la discussion de l’article 2.
Mme la présidente. Nous avons commencé l’examen de l’amendement n° 2 qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.
Le sous-amendement n° 3954 a été présenté et il a fait l’objet d’un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
La parole est à M. Christophe Caresche.
M. Christophe Caresche. Le débat est intéressant, mais plus il avance et plus je suis hostile à la proposition de M. Warsmann qui rigidifie de manière excessive l’examen des résolutions. Pour ma part, cela ne me choque pas qu’un projet de résolution proposé par l’opposition puisse être amendé par la majorité, et adopté par l’Assemblée nationale. Sur ce plan, je ne vois pas pourquoi l’examen des résolutions échapperait à la procédure parlementaire en vigueur pour les projets de loi et les propositions de loi.
Lorsque l’opposition inscrit une proposition de loi dans une niche parlementaire, ladite proposition prospère à travers son examen en commission et la discussion des amendements, de sorte qu’un consensus de l’Assemblée est toujours possible. Mais le système que vous proposez, trop rigide, ne permettra jamais à l’opposition de faire adopter un projet de résolution.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Bien sûr que si !
M. Christophe Caresche. Nous savons, par exemple, que l’exécutif n’était pas favorable au texte relatif à la reconnaissance du génocide arménien. C’est parce qu’un consensus s’est dégagé dans notre hémicycle que le texte a été adopté. Arnaud Montebourg a raison d’observer que les projets de résolution peuvent, par la nature des questions qu’ils posent, exprimer une position unanime de l’Assemblée ; mais pour ce faire, il faut laisser les parlementaires débattre, notamment en commission, et proposer des amendements. Bref, pour être exercé comme il convient, le droit de résolution doit avoir une ampleur suffisante.
La procédure d’exception que vous proposez, monsieur le président de la commission des lois, limitera beaucoup, dans les faits, la possibilité de rapprocher les positions au sein de notre assemblée et de trouver un consensus.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Je ne veux pas allonger inutilement les débats, mais il s’agit d’une question de fond.
J’entends bien vos arguments, monsieur Caresche. Vous évoquez les propositions de loi, lesquelles peuvent venir de l’opposition et être amendées. Mais une proposition de loi vise à changer le droit, contrairement à la résolution, acte parlementaire fort ayant un caractère plus politique, au sens noble de ce terme. Autant une proposition de loi est, par définition, amendable, autant la résolution n’aurait pas beaucoup de sens à l’être, dès lors que le groupe politique qui la propose peut la modifier, ce qui n’empêche évidemment pas de la voter à l’unanimité.
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur le sous-amendement n° 3954.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :
(Le sous-amendement n° 3954 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
M. Jean-Jacques Urvoas. Je souhaiterais une brève suspension de séance afin de prévenir le président Ayrault que, comme vient de nous le confirmer M. le secrétaire d’État, le président Accoyer a décidé de convoquer la conférence des présidents à dix-sept heures. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)
M. Patrick Ollier. Cela ne justifie pas une suspension de séance !
M. Jean-Jacques Urvoas. Il me faut réunir mon groupe et prévenir le président Ayrault, qui a des obligations : notre groupe fonctionne de façon collective et est habitué à la concertation.
M. Jean Mallot. Pas comme à l’UMP !
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Je la suspendrai de nouveau dans dix minutes, de façon à permettre à ceux qui le doivent de se rendre à la conférence des présidents, où M. Urvoas remplacera M. Ayrault.
Nous en venons à la discussion de plusieurs sous-amendements identiques, nos 3888 à 3909, à l’amendement n° 2.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
M. Jean-Jacques Urvoas. Ces sous-amendements visent à compléter l’article 2, tel que le rédige l’amendement de notre rapporteur, par les mots : « et en informe les commissions parlementaires compétentes ».
Les remarques de Jean-Luc Warsmann ne sont pas nouvelles et nous les avions déjà entendues en commission des lois. Lorsque notre rapporteur a une idée, il va jusqu’au bout et pousse son avantage autant qu’il le peut : je salue cet effort de cohérence, sans être obligé d’y contribuer. Cela renforce, en tout cas, la nécessité de lui opposer une argumentation au moins aussi charpentée que la sienne.
À l’origine, le Gouvernement a proposé de redonner au Parlement le droit de dissolution. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean Mallot. Bravo !
M. Jean-Jacques Urvoas. Pardonnez le lapsus : ce droit n’a pas porté chance au dernier qui en fit usage et cette jurisprudence risque de refroidir l’ardeur de ceux qui seraient tentés de l’imiter.
M. Jean Mallot. Oui, mais nous, nous saurions faire !
M. Roland Muzeau. Rendez-nous Villepin !
M. Jean-Jacques Urvoas. Lorsque, à l’occasion de la première lecture de la révision constitutionnelle, le Gouvernement a proposé que le Parlement puisse à nouveau adopter des résolutions, notre rapporteur a déposé un amendement de suppression. Il considérait en effet dans son rapport que « la possibilité de voter des résolutions n’était pas utile pour renforcer le rôle du Parlement et risquait même d’avoir des conséquences institutionnelles dangereuses ». L’expression est assez violente de la part de quelqu’un qui connaît le poids des mots. Il ajoutait que « de telles résolutions risqueraient de placer la diplomatie française dans des situations délicates, voire schizophréniques ». L’Assemblée nationale ayant supprimé la proposition du Gouvernement, le Sénat – une fois n’est pas coutume – avait contribué à la réintroduire en deuxième lecture. Nous évoquons aujourd’hui sa concrétisation. Mais le rapporteur, qui n’éprouve aucune inclination particulière pour ces résolutions, essaie à présent de les vider autant que possible de leur substance, en tout cas d’interdire que le débat de fond sur ces résolutions occupe les parlementaires et les commissions.
N’a-t-il pas dit, tout à l’heure, qu’une résolution peut porter sur un sujet complexe ? Or chacun connaît les conditions dans lesquelles nous travaillons. Ce que vous venez de nous annoncer, madame la présidente, en apporte d’ailleurs la triste illustration : à seize heures trente, nous apprenons que la conférence des présidents se réunira à dix-sept heures, alors que personne, ici, n’ignore que le président Ayrault est parti pour Nantes où l’appelaient certaines obligations et qu’il lui est matériellement impossible de rentrer à temps ; convoquer la conférence des présidents dans la demi-heure, c’est confondre vitesse et précipitation. Le travail parlementaire est à la même enseigne, si l’on en juge par ce que nous observons depuis des mois. Et le rapporteur suggère aujourd’hui de ne pas associer les parlementaires à la résolution ! Il ne faut pas leur permettre de s’imprégner de son contenu, d’en mesurer l’importance, d’en évoquer les conséquences avec les autres membres des commissions. Il faut passer directement de la rédaction solitaire d’une résolution à sa discussion en séance,…
M. Claude Goasguen. Les joies solitaires sont toujours les meilleures !
M. Jean-Jacques Urvoas. …en se privant de cette espèce de sas de maturation qui permet d’enrichir, d’améliorer, qui permet simplement à chacun de se faire une opinion, pour, ensuite, au moment du débat en séance, donner le meilleur de soi-même.
En réalité, tout cela est assez cohérent dans la perspective de notre rapporteur, pour qui la séance publique n’est plus qu’une formalité. Il serait pourtant utile que le président de l’Assemblée informe les commissions compétentes qu’une résolution a été déposée et qu’elles se réunissent pour en discuter.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Montebourg.
M. Arnaud Montebourg. Qu’on pardonne notre insistance, mais c’est bien le minimum que nous puissions faire, dans la logique de confrontation de ce débat. Nous tenons en effet à répéter que les commissions parlementaires sont les outils de coproduction – mot cher au président Copé – des résolutions sur lesquelles nous pouvons être amenés à débattre. Les commissions sont des outils de fabrication de la loi ; elles doivent donc être des outils de fabrication des résolutions politiques. Dans le discours ministériel, on se gargarise. M. Karoutchi nous dit : « Vous ne vous en rendez pas compte, mais vous, les députés qui siégez dans l’hémicycle, vous êtes les plus heureux des hommes et des femmes ; des commissions vont prendre toutes les décisions pour vous ; de quoi vous plaignez-vous ? » Monsieur le secrétaire d’État, ce ne sont là que des boniments de foire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Lorsque nous vous demandons la réunion de ces commissions, vous répondez : « Certainement pas ! » Il faut savoir ce que l’on veut. Si c’est la cohérence politique, il doit y avoir des réunions de commission pour le travail législatif et d’autres pour étudier les résolutions. Le travail politique sur les résolutions, qui n’est pas un travail normatif, doit s’exercer dans sa plénitude.
En pratique, comment cela fonctionnerait-il ? Après que les coauteurs d’une résolution ont déposé leur proposition, elle est discutée en commission : des collègues peuvent exprimer leur désaccord ou conditionner leur approbation à certaines modifications ; d’autres, estimant que le Gouvernement risque de considérer que sa responsabilité est mise en cause, peuvent conseiller de transformer la résolution sous tel ou tel aspect. Au terme de ce cheminement intellectuel et politique, la résolution devient un outil fondamental du débat entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale autour d’un problème donné. Qu’est-ce qui vous déplaît, dans cela ? Y êtes-vous toujours opposés ? Quelles difficultés voyez-vous ? Nous ne comprenons pas.
Monsieur le secrétaire d’État, vous prétendez vouloir accroître les droits du Parlement. Je vous propose un exercice pratique : levez-vous et dites que vous êtes favorable à ces sous-amendements.
Yves Durand et M. Bruno Le Roux. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.
M. Bruno Le Roux. Ces sous-amendements visent à inscrire les résolutions dans le cadre d’un véritable travail parlementaire. En cela, nous nous écartons peut-être de l’idée que le Gouvernement avait eue lorsque, au moment de la révision constitutionnelle, il avait accordé la possibilité de voter des résolutions. Ce devait être un défouloir pour des députés en manque d’expression : ils présentaient leur résolution pendant quelques minutes devant la presse, après quoi elle était rejetée en séance – belle queue-de-poisson !
Ce système fonctionne dans les Parlements de la quasi-totalité des pays d’Europe, il permet d’inscrire des débats dans l’actualité, de peser sur la décision gouvernementale et d’avoir des débats démocratiques fort intéressants. Pour cela, il faut dépasser le cadre théâtral et l’art déclamatoire, et il faut travailler sur les résolutions, faire en sorte qu’elles ne contiennent pas seulement des déclarations politiques mais des outils juridiques pouvant être soumis au Gouvernement. Nous devons aller au-delà de la simple pétition de principe. Or, pour ce faire, il n’y a qu’une solution : prendre le temps du travail parlementaire. Il n’est qu’une seule bonne méthode de travail dans l’hémicycle : il faut prendre son temps, que ce soit pour élaborer la loi ou pour discuter les résolutions. Le temps pendant lequel nous parlons n’est rien comparé à la semaine de travail normale d’un Français, au temps qui est pris, dans d’autres Parlements, pour discuter les textes, à celui qui était consacré, ici même, il y a quelques décennies, aux débats importants. Il faut préserver un moment d’échange et de préparation de la loi.
En fin de compte, pour vous, les projets de loi et les résolutions sont des objets politiques soumis aux débats de notre assemblée. L’objet rentre dans l’hémicycle avec une certaine consistance, et vous vous évertuez à ce qu’il en sorte inchangé.
M. Arnaud Montebourg. C’est le suppositoire qui ne fond jamais !
M. Bruno Le Roux. C’est pourquoi vous tenez à ce que nous discutions le moins possible, en commission comme en séance publique. Nous, nous voulons prendre le risque de l’amélioration, de la contradiction, du débat. Tantôt nous aurons tort, tantôt nous aurons raison : au moins le mandat que nous ont confié les Français aura-t-il abouti à un échange politique. Rien n’est pire que lorsque chacun campe sur ses positions, et telle est pourtant l’attitude de la majorité depuis un an et demi. À propos de ce texte, encore, nous avons essayé de prendre du temps, en déposant des centaines d’amendements. En commission, nous en avons défendu soixante-huit. Combien croyez-vous qu’il en fut accepté ? Aucun.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Trois !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Aucun !
M. Bruno Le Roux. Aucun amendement qui soit important.
Nous souhaitons qu’il soit donné aux résolutions le statut d’un véritable outil parlementaire, permettant un débat, des améliorations, un travail en commission et un travail dans l’hémicycle.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mme la présidente. La conférence des présidents vient de se réunir. À la demande du Gouvernement, des séances sont ouvertes samedi 17 janvier le matin, l’après-midi et, éventuellement, le soir (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP), pour poursuivre la discussion du projet de loi organique.
M. Jean Mallot. Et pourquoi pas dimanche, pour satisfaire M. Mallié ?
Mme Martine Billard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. Au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je tiens à protester contre ce qui vient de nous être annoncé à l’issue de la conférence des présidents. Le Gouvernement prend là une mesure de rétorsion contre les députés. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Sylvia Bassot. Le travail, c’est la santé !
Mme Martine Billard. Le débat autour de ce texte date de l’été dernier, à l’époque de la révision constitutionnelle. Cette révision a suscité des désaccords entre nous, y compris sur l’un des points du présent texte : la restriction du droit d’amendement, qui est une atteinte aux droits des parlementaires. Ce texte mérite d’être débattu devant le peuple français, dont les droits sont mis en cause dès lors que leurs représentants, les parlementaires, ne peuvent plus défendre leurs convictions en leur âme et conscience. En effet, si les amendements pourront toujours être déposés et même votés, ils ne pourront plus être défendus. Or aucune démocratie ne peut vivre sans défense de ses idées. Nous ne sommes pas élus pour, tels des automates, lever la main pour ou contre un texte, mais bien plutôt pour défendre des idées.
Mme Sylvia Bassot. Des convictions !
Mme Martine Billard. C’est pour la défense de leurs idées que les électeurs ont choisi tel ou tel candidat lors des élections législatives afin qu’il devienne le député de leur circonscription.
Dans ces conditions, nous réprouvons la mesure de rétorsion que nous impose le Gouvernement en exigeant que le débat se poursuive samedi. Nous ne sommes encore qu’en première semaine de discussion et ce texte ne sera soumis au vote que dans une dizaine de jours, ce qui nous laisse largement le temps de débattre des treize articles qu’il comporte.
M. Philippe Vitel. Justement, nous étendons le temps du débat !
Mme Martine Billard. S’il s’avère qu’il nous faut plus de temps, reste toujours la fin de semaine prochaine.
M. Jean Mallot. M. Karoutchi a peut-être déjà des engagements !
Mme Martine Billard. Pour tout texte qui suscite un long débat, la tradition veut que l’on attende au moins la fin de la première semaine pour dresser un état des besoins et, le cas échéant, ouvrir de nouvelles séances.
Le Gouvernement nous impose donc de siéger toute la journée de samedi. Je le répète : je considère qu’il s’agit d’une mesure de rétorsion. Je le fais avec d’autant plus de calme que je suis une parlementaire sans aucun autre mandat – je précise qu’en l’occurrence, ce n’est pas le cumul des mandats que je déplore, mais le fait qu’un débat aussi essentiel ne doit pas concerner que les députés parisiens, voire franciliens, mais l’ensemble des députés de la nation. Tous nos collègues doivent pouvoir être présents.
Mme Sylvia Bassot. Et les soldes ? (Rires.)
Mme Martine Billard. À cette époque de l’année, chacun d’entre nous – même ceux qui n’ont pas d’autre mandat que celui de député – a fort à faire dans sa circonscription. Or le Gouvernement nous empêche de participer aux cérémonies de vœux à l’occasion desquelles nous rencontrons nos concitoyens.
Mme Sylvia Bassot. Et de manger les galettes !
Mme Martine Billard. Les députés doivent passer du temps dans leur circonscription, ne serait-ce que pour écouter ce que nos concitoyens ont à nous dire sur ce texte de loi.
M. Jean Mallot. Elle a raison !
Mme Martine Billard. Or vous préférez nous maintenir en vase clos dans cet hémicycle, en nous privant de tout aller-retour auprès de nos concitoyens, nos électeurs. Au nom du groupe GDR, je tiens à déclarer que nous sommes scandalisés par ce que le Gouvernement nous impose.
M. Jean Mallot. Et pendant ce temps, Mme Pécresse fait campagne…
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri.
M. Alain Néri. Madame la présidente, j’ai écouté Martine Billard avec beaucoup d’attention et je partage totalement son propos. C’est en effet faire une mauvaise façon à la représentation nationale que de la convoquer ainsi, à la hussarde, a fortiori quand il s’agit de débattre d’un texte censé améliorer les conditions de travail des parlementaires.
Si le travail des parlementaires se déroule pour une part dans l’hémicycle, il se nourrit du contact avec leurs électrices et leurs électeurs. Or siéger le week-end empêche ces rencontres, indispensables si l’on veut légiférer en tenant compte des désirs et des besoins de nos concitoyens.
Remercions le Gouvernement…
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Enfin !
M. Alain Néri. …pour la première fois cette année, il ne nous a pas permis d’être présents dans nos circonscriptions la première semaine de janvier pour assister aux cérémonies de vœux, qui constituent des occasions privilégiées d’établir avec la population des relations de convivialité, ce qui, dans cette période morose, ne peut qu’améliorer un climat social délétère.
M. Alain Vidalies. C’est ce qu’a dit Mme Pécresse !
M. Alain Néri. Remercions-le encore, car il nous rajeunit ! Ce qui se passe me rappelle en effet le collège et le lycée, où, quand on n’était pas sage, on nous punissait de quatre heures de colle le samedi matin et d’autant le samedi après-midi.
M. Guy Geoffroy. Et trois autres samedi soir !
M. Alain Vidalies. Ce n’est pas raisonnable !
M. Guy Geoffroy. Au piquet !
M. Alain Néri. Mais c’est d’un autre âge, monsieur Geoffroy ! On n’a plus recours à ces méthodes ni dans l’éducation nationale ni même dans nos familles ! (« C’est bien dommage ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Vous apportez de l’eau à mon moulin, en confirmant que votre attitude est parfaitement réactionnaire. Mais rassurez-vous : vous nous demandez d’être présents et le groupe socialiste sera là pour défendre ses amendements et améliorer ce texte important, qui en a bien besoin.
Reste, malgré, tout une question pratique. Avec le bon réseau de transports collectifs dont dispose notre pays, nous entendons privilégier ce moyen de transport, de façon à préserver l’environnement et la planète. Il serait utile, monsieur le secrétaire d’État, que nous sachions à quelle heure ouvrira réellement la séance samedi matin. Il serait discourtois de prolonger la séance du vendredi soir jusqu’à quatre heures du matin et de ne pas pouvoir ouvrir la suivante avant midi, le lendemain – sachant qu’il faut un délai de huit heures entre deux séances –, ce qui obligerait nos collègues à « poireauter » dans la salle des quatre colonnes.
Dans ces conditions, il serait bienvenu de décider que nous ne siégerons pas au-delà d’une heure du matin dans la nuit de vendredi à samedi et que nous ouvrirons la séance samedi matin entre dix heures et dix heures trente. Mettons-nous d’accord, de façon à ce que chacun puisse s’organiser. Ce serait aussi une manière d’améliorer les conditions de travail de l'Assemblée nationale et la moindre des courtoisies à l’égard de ceux d’entre nous qui utilisent les transports collectifs pour venir de loin.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Goasguen.
M. Claude Goasguen. Je ne considère pas qu’il s’agisse d’une sanction.
Mme Martine Billard. À peine !
M. Claude Goasguen. Notre débat plaît visiblement beaucoup aux députés de l’opposition, puisqu’ils sont treize en séance.
M. Jean Mallot. Merci de le reconnaître !
Mme Martine Billard. En proportion, le nombre de présents pour la majorité n’est pas fantastique !
M. Claude Goasguen. Cela témoigne d’un intérêt majeur pour ce texte fondamental de la part de nos collègues, qui, bien entendu, ne font pas d’obstruction !
M. Jean Mallot. Jamais ! Prouvez-le contraire !
M. Claude Goasguen. Vous ne faites jamais d’obstruction, mais nous en sommes déjà à vingt heures de débats, desquelles il faut retrancher cinq heures trente de suspensions de séance…
M. Jean Mallot. Vous nous empêchez de parler !
M. Claude Goasguen. …et au cours desquelles nous avons eu cinquante-trois rappels au règlement.
M. Jean Mallot. Tous justifiés ! D’ailleurs, qu’êtes-vous en train de faire ?
M. Claude Goasguen. Non, il ne s’agit pas d’obstruction mais de l’intérêt manifesté par l’opposition pour un texte qui la passionne ! Dans la mesure où il nous reste 3 614 amendements à examiner,…
M. Jean Mallot. Vous en avez pourtant torpillé plus d’un millier !
M. Claude Goasguen. …nous avons fait un rapide calcul : à la vitesse à laquelle nous allons, il nous faudra encore 162 heures de débats pour achever l’examen de ce texte, soit environ seize jours de séances.
M. Patrick Braouezec. Ce n’est pas terrible !
M. Claude Goasguen. Dans ces conditions, vous comprendrez que l’on prenne nos précautions ! J’entends bien que certains veulent s’organiser, mais de tels délais nous obligent à travailler le samedi, voire le dimanche.
M. Jean Mallot. Chiche !
M. Claude Goasguen. Remercions donc le Gouvernement d’avoir écouté ce qu’a dit tout à l’heure l’un de vos orateurs les plus talentueux, M. Montebourg, qui a déclaré qu’il était prêt à passer le week-end avec nous sur un texte qui le passionne. J’en tire deux conclusions. La première, c’est que M. Montebourg sera là samedi, comme je le souhaite ; la seconde, c’est que le Gouvernement fait preuve d’un esprit d’ouverture qui l’honore en acceptant immédiatement ce que Montebourg lui a demandé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Guy Geoffroy. C’est donc de sa faute !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Quitte à ce que nous siégions ce week-end, mieux vaut que le Gouvernement ait convoqué la conférence des présidents aujourd’hui, pour que les groupes puissent s'organiser, plutôt que d’attendre vendredi soir, comme il en a le droit. Ce n’est donc pas la peine que les esprits s’échauffent sur le sujet.
Il est vrai, comme le rappelait Claude Goasguen, qu’un certain nombre d’entre nous demandaient à siéger ce week-end. Ils ont obtenu satisfaction. Je viens d’entendre que d’autres souhaitent siéger également dimanche. Je demande donc au secrétaire d’État d’être prudent quand il écoute nos collègues de l’opposition, lesquels semblent désormais favorables au travail le dimanche. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean Mallot. À condition de siéger à Plan-de-Campagne!
M. Jean-Christophe Lagarde. Bruno Le Roux réclamait tout à l’heure du temps. Le Gouvernement nous en donne, je ne vois pas pourquoi on se plaindrait.
M. Alain Vidalies. On ne se plaint pas !
M. Jean-Christophe Lagarde. Mais il y a surtout une chose qui me choque dans ce que j’ai entendu, et notamment dans les propos de Martine Billard et d’Alain Néri. Vous parlez de punition.
Mme Martine Billard. De rétorsion.
M. Jean-Christophe Lagarde. Tous ici, nous nous sommes beaucoup battus pour pouvoir siéger dans cet hémicycle et avoir l’honneur de représenter les Français. Je ne considérerai donc jamais que siéger, même dans ces conditions imposées par le combat politique que veut mener M. Ayrault, puisse être une punition ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Alain Néri. C’est la façon de faire que nous condamnons, pas le fond mais la forme !
M. Jean-Christophe Lagarde. Si vous considérez cela comme une punition, madame Billard, rendez donc votre mandat ! (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Martine Billard. Vous pouvez parler, alors que le Nouveau Centre n’a parfois même pas un représentant en séance !
M. Jean Mallot. Décidément, le Nouveau Centre, c’est bien la vieille droite !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Mme Billard se demandait pourquoi nous ouvrons des séances dès le premier week-end de nos débats, sans attendre la semaine suivante. Mais, au rythme actuel, nous siégerons également le week-end suivant. Le problème ne se pose pas. (« Parfait ! » sur les bancs du groupe SRC.)
M. Alain Vidalies. L’hémicycle sera-t-il chauffé ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Puisque vous demandez du temps, nous en prenons. Je n’imagine pas une seconde que vous vouliez reporter des débats aussi essentiels et attendus par les Français que ceux sur le logement et l’hôpital. Je suis donc obligé d’ouvrir le maximum de séances pour que chacune et chacun puisse s’exprimer et défendre ses convictions et ses amendements.
Monsieur Néri, ce n’est pas parce que dans une vie antérieure j’ai été inspecteur général de l’éducation nationale que j’applique ici des mesures de rétorsion scolaires. Si, au vu du nombre d’amendements et de la vitesse à laquelle nous en débattons, il m’avait semblé que rien n’empêchait le vote solennel d’avoir lieu en temps et en heure, je n’aurais pas ouvert de séances supplémentaires pour le simple plaisir.
Autant, M. Lagarde a raison, c’est un honneur de siéger à l’Assemblée, autant je suis bien conscient que c’est une contrainte supplémentaire pour vous, pour moi, pour nos collaborateurs et pour l’ensemble des services. Pour autant, ne souhaitant pas que l’on reporte les textes qui attendent, je n’ai pas d’autre choix que celui-là.
M. Jean Mallot. On va vous expliquer comment on fait l’ordre du jour !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je ne doute pas qu’un jour vous soyez à ma place, mais en attendant ce jour béni – que je souhaite le plus lointain possible –, je fais en sorte que les travaux suivent leur cours normal. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. Alain Vidalies. Ils n’applaudissent pas tous !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
M. Jean-Jacques Urvoas. Madame la présidente, je vous demande une suspension de séance pour réunir mon groupe. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Claude Goasguen. La cinquante-quatrième !
M. Jean-Pierre Soisson. Vous ne voulez pas siéger samedi, mais vous demandez sans cesse des suspensions de séance ; c’est abracadabrant ! (« -tesque ! Abracadabrantesque ! » sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean-Jacques Urvoas. Nous avons naturellement pris acte de la décision du Gouvernement d’ouvrir des séances samedi. Cela nous permettra d’aller au fond du sujet. Et, puisque vous nous reprochez le nombre de nos amendements, je me permets de donner un conseil au rapporteur et au secrétaire d’État. Pour qu’ils soient moins nombreux, il suffit de les accepter. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Claude Goasguen. C’est ce que vous appelez la délibération ! C’est du chantage !
M. Philippe Vitel. Tu parles de démocratie !
M. Jean-Jacques Urvoas. Nous l’avons démontré tout à l’heure en retirant immédiatement soixante-six de nos amendements, alors que le rapporteur venait d’en accepter un.
Par ailleurs, permettez-moi d’émettre un vrai regret, qui ne porte pas sur le fait que nous travaillions samedi, car l’enjeu en vaut la peine. Mais de nombreuses organisations syndicales, des associations de parents d’élèves et des fédérations d’éducation populaire ont appelé samedi à une manifestation dans tous les départements. Bon nombre de parlementaires de l’opposition ne pourront donc pas, comme ils en avaient l’intention, y participer dans leurs circonscriptions.
Mme Delphine Batho. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Urvoas. Ils viendront donc manifester à Paris et seront là pour siéger. Nous serons là samedi, comme nous serons là dimanche, et il nous serait agréable que ce soit Marc Le Fur qui préside. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
M. Jean Mallot. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Mallot.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est le cinquante-cinquième rappel au règlement !
M. Jean Mallot. Je prends le règlement à la main pour faire les choses dans les formes : mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, puisque l’organisation de nos travaux commence par l’élaboration de l’ordre du jour.
M. le secrétaire d’État nous a indiqué tout à l’heure que nos concitoyens attendaient des textes sur le logement ou sur l’hôpital, plutôt que ce projet de loi organique. J’ai une modeste expérience en ce domaine – à des fonctions bien subalternes par rapport aux siennes, je le reconnais bien volontiers –, et je voudrais lui donner un tuyau. C’est assez simple : il suffit de suspendre les travaux sur le projet de loi organique dont la discussion a commencé, d’inscrire à l’ordre du jour le projet de loi sur le logement, puis le projet de loi Hôpital, patients, santé et territoires, pour enfin reprendre tranquillement la discussion du projet de loi organique.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Cela ferait désordre ! (Sourires.)
M. Jean Mallot. En agissant ainsi, vous pourriez donner des signaux forts à l’opinion publique et permettriez au Gouvernement dont vous faites partie de conduire sa politique. Votre argument se retourne : en vous entêtant dans l’examen de ce projet de loi organique, vous prenez la responsabilité de reporter l’examen des textes sur le logement ou l’hôpital, qui constituent pourtant des éléments fondamentaux de votre politique.
Vous faites un bien mauvais coup à M. Fillon – mais existe-t-il encore ? – et surtout à M. Sarkozy. Je crois que votre note de ministre ne va pas s’en trouver améliorée !
Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Est-ce bien le cinquante-sixième rappel au règlement ?
M. Claude Goasguen. C’est bien le cinquante-sixième !
M. René Dosière. J’avoue que j’ai été un peu surpris d’entendre les propos de M. Goasguen. J’ai écouté avec beaucoup de plaisir sa théorie sur le travail parlementaire, le rythme, etc., mais en moi-même, je me disais : il est député de Paris, il doit avoir un appartement confortable.
M. Claude Goasguen. Les séances du samedi gênent les députés de Paris autant que les autres !
M. René Dosière. Le soir, il rentre chez lui et le lendemain matin, il peut changer de vêtements avant de venir à l’Assemblée. Mais il y a ici un certain nombre de députés provinciaux, comme moi ; quand je suis venu cette semaine à l’Assemblée, c’était pour y siéger mardi, mercredi et jeudi : j’ai donc pris du linge de corps et le nécessaire de toilette pour trois jours, car je loge à la résidence Saint-Dominique.
M. Claude Goasguen. Je vois : c’est un problème de chaussettes ! (Sourires.)
M. Philippe Vitel. La résidence propose un service de pressing !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le service lingerie est très efficace : les vêtements confiés avant dix heures sont rendus dès le lendemain !
M. René Dosière. Mais on me dit maintenant qu’il faudra encore siéger vendredi et samedi. Cela doit paraître bien trivial – mais vous savez bien que je ne m’intéresse qu’aux questions triviales, comme le temps de parole du Président de la République quand il était député, son budget ou sa rémunération.
Je souhaiterais un minimum de respect pour les hommes et les femmes qui siègent ici…
Mme Françoise de Panafieu. Qui n’ont plus vingt ans et ont besoin de leur petit confort !
M. René Dosière. …et qui ne peuvent pas être manipulés comme des marionnettes. C’est là que le travail parlementaire devrait commencer.
M. Jean-Pierre Schosteck. Le respect, c’est d’abord de déposer des amendements sérieux !
M. René Dosière. Voir les élus qui n’ont aucun problème vestimentaire, matériel, de ce type, nous donner des leçons, me laisse rêveur. Tout cela se fait, naturellement, dans le cadre d’une revalorisation du Parlement, et on dit que c’est l’opposition qui bouscule tout : il y a là beaucoup d’hypocrisie !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Entendre de tels propos, est-ce cela, la revalorisation du Parlement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Goasguen.
M. Jean Mallot. Obstruction !
M. Claude Goasguen. Comme le débat s’élève, je voudrais vous redire que la demande n’émane pas de moi, mais de votre collègue Montebourg.
Et je demande expressément à M. le secrétaire d’État – je lui demande de m’écouter attentivement, car c’est le moment clé de cette discussion – qu’il veuille bien donner quelque crédit pour acheter une paire de chaussettes et un caleçon supplémentaire à M. Dosière qui, manifestement, n’en a pas prévu suffisamment.
M. Jean Mallot. Pas supplémentaire, alternatif !
M. René Dosière. Et pourquoi pas une suspension de séance pour faire les soldes ? Mais pour qui nous prend-on ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.
M. Claude Goasguen et M. Philippe Vitel. Cinquante-sept !
Mme Sylvia Bassot. Changez de chaussettes, et passons à la suite !
M. Bruno Le Roux. Il s’agit de l’organisation de nos débats : on voit qu’un problème est posé à tous les parlementaires en termes d’organisation. Je ne souhaite pas, je le dis à M. Goasguen, que le Gouvernement s’immisce dans les problèmes d’organisation des députés…
M. Claude Goasguen. Très bien !
M. Jean Mallot. La séparation des pouvoirs !
M. Bruno Le Roux. …et je pense donc que c’est à la questure de l’Assemblée qu’il faut s’adresser, et non à M. le secrétaire d’État, pour régler les problèmes logistiques – et notamment les problèmes de linge – de l’Assemblée nationale.
Je dirais toutefois à M. le secrétaire d’État que nous analysons sa demande de réunion de la conférence des président comme le signe de sa volonté de démontrer aux députés de l’opposition qu’un coup de force se prépare pour les heures qui viennent.
M. Claude Goasguen. Bien sûr ! Poutine a téléphoné ce matin !
M. Bruno Le Roux. Je voulais vous dire, monsieur le secrétaire d’État, que l’esprit qui prévaut depuis le début de la matinée n’est pas celui-là. Les statistiques sur lesquelles vous vous appuyez sont celles dressées depuis le début de nos discussions. Or nous avons montré depuis – et notamment ce matin – qu’à chaque fois qu’il y avait une possibilité d’avancer, nous souhaitions avancer, qu’à chaque fois que l’un de nos amendements était repris, nous ne jouions pas la montre mais l’amélioration du débat.
M. Claude Goasguen. C’est du chantage !
M. Bruno Le Roux. Le signe que vous nous donnez est un signe de fermeture. Nous en tirons deux conséquences. D’abord, nous sommes prêts à débattre du problème du temps. Mais comprenez-nous bien : ce que nous voulons, c’est passer le moins de temps possible sur ce texte…
M. Philippe Vitel. Celui-là ne vous intéresse donc pas ?
M. Bruno Le Roux. …pour ensuite passer le plus de temps possible sur des textes qui le nécessitent. Si vous voulez que ce débat dure moins longtemps, supprimez les articles 12 et 13 qui n’ont rien à faire dans ce texte. Qu’ils soient votés ou qu’ils ne le soient pas, l’Assemblée aura de toute façon à connaître de ces deux questions lors du débat sur le règlement !
Nous voulons vous empêcher d’aboutir vite : c’est effectivement la pierre angulaire de notre stratégie. Vous voulez donner le signe que vous pouvez restreindre les débats parlementaires, museler l’opposition : nous ne vous laisserons pas faire.
Ce que vous faites aujourd’hui s’apparente à un coup de force : à partir de maintenant, nous considérons que vous avez, pour les heures et les jours qui viennent, essayé de montrer votre volonté de museler l’opposition et le Parlement. Nous utiliserons tous les moyens en notre possession pour faire en sorte que vous ne puissiez pas mener à bien ce débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Philippe Vitel. Voilà qui ne changera pas grand-chose.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je voudrais dire toute ma tristesse, toute mon immense tristesse.
M. Jean Mallot. Quel acteur !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous sommes l’Assemblée nationale en train d’examiner un projet de loi. L’un des principes fondateurs de notre Constitution est d’éviter que, comme sous les précédentes républiques, le Parlement soit inactif, désorganisé, et que le pays ne soit plus dirigé. Dans ce cadre-là, nos institutions prévoient que le Gouvernement est le maître de l’ordre du jour – dans le respect de la Constitution et dans certaines limites.
Le Gouvernement vient de prendre une initiative totalement conforme à nos institutions. Et le résultat, c’est trente minutes de débats qui me plongent dans une tristesse infinie, où j’entends des mots comme « coup de force »…
M. Bruno Le Roux. C’est un coup de force !
M. Jean Mallot. Le deuxième, après celui des mille amendements non recevables !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. …et des propos qui ridiculisent le Parlement. Mes chers collègues de l’opposition, le premier clip vidéo qu’a fait faire Jean-François Copé ne vous a pas plu. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Yves Durand. Il n’est pas là, Copé !
M. Jean Mallot. Il est parti en week-end !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Mais le spectacle auquel nous venons d’assister lui permettrait d’en faire un deuxième encore pire que le premier !
Je vous appelle à retrouver la dignité de l’Assemblée nationale. Nous sommes ici pour débattre de textes ; confrontons nos opinions. Le Gouvernement a raison d’utiliser ses pouvoirs. Il convoque l’Assemblée et aménage l’ordre du jour ; les députés n’ont en aucun cas le droit d’utiliser des mots comme « coup de force » lorsqu’un Gouvernement respecte et applique les institutions.
M. Bruno Le Roux. Nous utilisons les mots que nous voulons !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Madame la présidente, sans la moindre critique, je souhaite que nous reprenions le cours de nos travaux : les trente minutes qui se sont écoulées sont illégitimes et seront des minutes de honte pour notre assemblée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean Mallot. Deux jours, deux coups de force !
M. Alain Néri. Madame la présidente !
Mme la présidente. Monsieur Néri, il y a eu suffisamment de rappels au règlement. Nous allons reprendre le cours de nos travaux.
M. Alain Néri. Je voudrais poser une question purement matérielle sur la séance de vendredi, madame la présidente.
M. Philippe Vitel. Respectez la présidente !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela suffit, l’humiliation du Parlement ! Quelle tristesse !
M. Alain Vidalies. Arrêter les habilitations du Gouvernement pour légiférer par ordonnances : voilà ce que serait le respect du Parlement, monsieur le rapporteur !
M. Bruno Le Roux. Le rapporteur accepte le coup de force !
M. Jean Mallot. Il le demande même !
Mme la présidente. Nous en revenons à la discussion de plusieurs sous-amendements, nos 3888 à 3909, à l’amendement n° 2.
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Avant de défendre mon sous-amendement, je précise que la question du déroulement de la séance ne nous semble pas épuisée et que donc nous y reviendrons dans quelques instants.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Quelle tristesse !
Mme Delphine Batho. Le rapporteur nous propose, dans l’amendement n° 2, de supprimer le renvoi des projets de résolution devant les commissions. Nous contestons cette idée.
D’abord, monsieur le rapporteur, je vous ferai remarquer, je suis têtue, que vous n’avez toujours pas répondu à la question que je vous ai posée sur le premier alinéa de l’article 1er.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Si, je vous ai répondu.
Mme Delphine Batho. Non ! Vous avez simplement affirmé que le dispositif tel que vous l’aviez imaginé était de nature organique, ce qui est vrai. Moi, je vous demandais si l’alinéa 1 tel qu’il était rédigé par le Gouvernement était de nature organique.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je vous ai répondu. Cela a été ma première phrase.
(M. Marc Le Fur remplace Mme Danièle Hoffman-Rispal au fauteuil de la présidence.)
Mme Delphine Batho. Demander que le président de l’assemblée nationale renvoie un texte devant les commissions relève, nous semble-t-il, du règlement de l’Assemblée nationale et n’est pas de nature organique.
Sur le fond, je remercie M. le secrétaire d’État d’avoir bien voulu reconnaître tout à l’heure que notre collègue Christophe Caresche soulevait un débat intéressant. C’est même un débat important, et j’invite mes collègues de la majorité à y être très attentifs.
Le fait de prévoir que les projets de résolution ne viendront pas devant les commissions interdit aux parlementaires des différents groupes de se mettre d’accord sur un projet de résolution qui pourrait, après discussion, être adopté à l’unanimité de l’Assemblée nationale. Cela concerne donc non seulement l’opposition mais également nos collègues de la majorité.
Monsieur le secrétaire d’État, votre argumentation est très confuse. Lorsque vous parliez des projets de résolution qui seraient défendus par l’opposition, j’avais l’impression que vous parliez de motions de censure. En effet, s’il s’agit pour nous de dire dans un projet de résolution tout le mal que nous pensons de la politique du Gouvernement, autant déposer une motion de censure. Si le projet de résolution vise simplement à critiquer la politique du Gouvernement, il sera déclaré irrecevable par le Gouvernement qui y verra une sorte d’injonction ou de mise en cause de sa responsabilité. Ces cas de figure que vous avez évoqués n’existent donc pas.
En réalité, ce pouvoir de résolution du Parlement devrait porter sur des questions de société, des questions républicaines très importantes, sur lesquelles symboliquement l’Assemblée nationale voudrait émettre un avis ou un vœu.
Il est totalement fallacieux de prétendre, comme vous le faites, monsieur le rapporteur, que le schéma que vous défendez, dans lequel la proposition de résolution ne vient pas devant la commission, serait plus protecteur des droits de l’opposition. Avec ou sans passage en commission, un projet de résolution défendu par l’opposition sera soit déclaré irrecevable dès le départ par le Gouvernement et ne sera donc même pas discuté, soit repoussé par la majorité parlementaire si celle-ci n’est pas du même avis que l’opposition. Le seul moyen pour l’opposition de faire adopter un projet de résolution serait donc de le discuter avec nos collègues de la majorité et de construire, notamment en commission, un consensus.
Avec le système que vous proposez, en réalité, aucun projet de résolution défendu et proposé par l’opposition ne pourra être adopté par l’Assemblée nationale. Notre collègue Bruno Le Roux avait parfaitement raison de dire tout à l’heure que, d’un certain point de vue, ce que vous craignez, c’est le temps de la discussion, parce qu’il permet de faire évoluer des positions. En fait, la formule d’Oscar Wilde vous va très bien : « Je déteste les discussions, elles font parfois changer d’avis ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin.
Mme George Pau-Langevin. À mon tour, je voudrais insister sur l’étonnement de l’opposition de voir la majorité se méfier autant du débat. Nous sommes une assemblée délibérante, c’est cela notre seule justification, et nous avons été désignés par le peuple français pour pouvoir délibérer. Nous nous réjouissons, nous nous honorons, de rattacher les racines de notre démocratie à la démocratie athénienne, à la démocratie romaine, et nous sommes très flattés de siéger devant des tapisseries et des sculptures qui nous rappellent ces grands moments. Comment peut-on à la fois s’enorgueillir de participer d’une tradition gréco-romaine et se méfier autant du débat ?
On a l’impression, depuis le début de cette discussion, que la majorité a peur du débat, qu’elle le considère comme une perte de temps et que nous devrions tout simplement entériner sans discuter les décisions qui viennent de l’Élysée. C’est faire preuve d’une méconnaissance totale du rôle du Parlement. On peut trouver ridicule ou dérisoire la manière dont l’opposition aborde une question, mais je crains que, ce faisant, vous n’ayez aussi la tentation de trouver ridicule ou dérisoire le rôle que vous-mêmes vous devez jouer en tant que parlementaires. Ce n’est pas l’opposition ou la majorité qui est en cause dans cette affaire, c’est le rôle d’une assemblée délibérante.
Il me semble qu’en essayant de diminuer les droits de l’opposition, de l’obliger à se taire, d’une certaine façon c’est l’Assemblée tout entière que vous êtes en train d’humilier et de brider. Ce n’est pas un bon service que vous rendez à la démocratie.
Hier, M. le président de la commission des lois nous a plusieurs fois dit qu’aucune assemblée délibérante ne pourrait fonctionner comme cela, en discutant autant que nous souhaitons le faire. Je suis surprise. En tant que conseillère municipale, je constate, au contraire, que nous passons énormément de temps à discuter avec les citoyens et heureusement. Dans un conseil d’arrondissement, on arrive souvent avec des projets d’urbanisme bouclés par les services de la ville, parfois pour de simples ronds-points. Parce que la population discute, argumente, conteste, fait des suggestions, on discute et on finit par trouver des solutions satisfaisantes et pour les fonctionnaires et pour les habitants.
Vous avez tort de vous méfier de la sorte de ce que peut amener la discussion. Nous voyons bien, avec tous les textes qui passent, que les débats enrichissent nos réflexions respectives et arrivent à nous faire progresser les uns et les autres.
Vous avez tort de ne pas donner toute sa dimension à cette nouvelle possibilité qu’offre la résolution. En la bridant, en la soumettant à l’arbitraire du Gouvernement, une fois de plus, vous aurez été les fossoyeurs d’une bonne idée.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est un tissu d’inexactitudes.
M. le président. La parole est à M. Jacques Valax.
M. Jacques Valax. Je voudrais réagir sur la notion de temps de la discussion qu’a évoquée Delphine Batho.
Je suis aussi triste, et plus encore, que l’a été tout à l’heure le rapporteur.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je le suis toujours.
M. Jacques Valax. Nous nous battons ici pour conserver une parcelle de pouvoir, pour conserver une once de décision, c’est tout.
M. Jean Mallot. Pour avoir le droit de parler !
M. Jacques Valax. Nous voulons conserver le droit de débattre. Nous savons que, pour intéresser l’opinion, il faut que le temps du débat dure. L’opinion publique n’est intéressée que si elle a le temps d’appréhender nos échanges. Pour s’emparer petit à petit du sujet, elle doit avoir les éléments, les tenants et aboutissants qui lui permettent de prendre position. C’est ce temps-là, c’est cet argument que vous voulez nous enlever.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Mais non !
M. Jacques Valax. Vous voulez restreindre le temps de parole des députés, vous voulez faire de nous des greffiers – ce mot n’est pas péjoratif dans ma bouche.
M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est du cinéma !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Répéter des choses fausses ne les rend pas vraies !
M. Jacques Valax. Vous voulez que l’opinion publique ne soit plus tenue au courant des débats qui sont les nôtres. Vous voulez nous couper en aval de l’opinion publique.
Plus grave encore est votre décision aujourd’hui de faire en sorte que nous soyons consignés ici samedi. Le travail ne me fait pas peur, le fait de rester ici ne m’inquiète pas. Simplement, je suis un modeste député de province.
M. Philippe Vitel. Nous aussi.
M. Jacques Valax. Les gens qui veulent me voir, qui viennent chercher l’information, un conseil ou demander un service, viennent le vendredi après-midi ou le samedi matin à ma permanence. Pourquoi n’en tenez-vous pas compte ? Là encore, vous nous coupez de la base. Au niveau du symbole, c’est extrêmement important.
M. Nicolas Dhuicq. C’est que le lien est fragile alors !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il fallait faire autre chose, il ne fallait pas être député !
M. Jacques Valax. C’est cela que je vous reproche, au niveau symbolique, au niveau politique, au niveau sociologique.
Votre manœuvre n’est pas faite pour gagner du temps, elle a pour but d’essayer de nous couper les uns et les autres de nos bases. Je suis très inquiet et très triste.
J’en viens à la question de l’information des commissions. M. le secrétaire d’État affirme que le mouvement général est à la valorisation du travail en commission. Alors même que vous souhaitez que les commissions soient plus nombreuses – leur nombre va passer de six à huit –, il me paraît contradictoire de les écarter systématiquement. Alors qu’on nous dit qu’elles sont le lieu de débat idéal, deviendraient-elles un carcan quand il s’agit de résolution ? Pourquoi ne pas accepter de privilégier ce lieu de débat idéal, d’échange serein ? C’est cela qui m’attriste aujourd’hui.
M. Arnaud Montebourg. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le cinquante-septième !
M. Claude Goasguen. Non, cinquante-huitième, monsieur le rapporteur.
M. Arnaud Montebourg. Mon rappel au règlement concerne l’organisation de nos débats.
La magie de la télévision intérieure m’a fait sursauter quand j’ai entendu notre collègue Goasguen expliquer que si le secrétaire d’État Karoutchi, avec ses sourcils martiaux, avait décidé de durcir le ton contre l’Assemblée nationale…
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Vous vous attaquez aux sourcils du ministre maintenant ? Il y a des limites !
M. Arnaud Montebourg. …c’est parce que j’avais dit que nous étions prêts à siéger le week-end, s’il le fallait. Il a oublié la première phrase.
M. Claude Goasguen. Je vous prie de m’en excuser.
M. Arnaud Montebourg. Cette première phrase renvoyait d’ailleurs à un rappel au règlement précédent, dans lequel nous disions au Gouvernement – cela fait quelques heures maintenant – que nous attendions ses propositions pour nous situer dans ce texte.
Mme Delphine Batho. Oui.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce n’est pas un rappel au règlement, monsieur le président.
M. Arnaud Montebourg. Cela a un rapport avec l’organisation de nos débats, monsieur le président de la commission des lois.
M. Jean Mallot. C’est majeur !
M. le président. Venez-en au fait, monsieur Montebourg.
M. Arnaud Montebourg. En outre, je ne crois pas que le président d’une commission ait le moyen de policer la séance ici.
M. le président. Nous vous écoutons, soyez bref, s’il vous plaît.
M. Arnaud Montebourg. Je serai bref, mais vous permettrez que je réponde d’abord à M. Goasguen…
M. Claude Goasguen. Avec plaisir !
M. Arnaud Montebourg. …et à M. Karoutchi.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Un rappel au règlement n’est pas fait pour répondre à un collègue !
M. Arnaud Montebourg. Nous avons dit que nous étions prêts à discuter de propositions sérieuses sur lesquelles nous pourrions nous retrouver, sur la question du temps dilaté, sur le respect – en trente ans, cela a concerné une dizaine de textes.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Pour l’instant, ce sont les rappels au règlement qui sont dilatés !
M. Arnaud Montebourg. D’ailleurs, cela pourrait servir aussi à l’opposition que vous pourriez devenir.
Mais ces propositions, nous les attendons toujours. Nous en avons besoin, ne serait-ce que pour que le dialogue puisse reprendre son cours. Pour l’instant, nous sommes en confrontation majeure. Alors, vous prenez une mesure de représailles.
M. Claude Goasguen. Mais pas du tout !
M. Arnaud Montebourg. Puisque vous nous embêtez, dites-vous, vous allez venir le samedi matin, le samedi après-midi…
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. C’est moi que cela embête !
M. Arnaud Montebourg. Eh bien, monsieur le secrétaire d’État, nous serons là !
M. Claude Goasguen. Malheureusement !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Moi aussi !
M. Arnaud Montebourg. Vous dites « malheureusement », c’est que la lassitude commence à gagner. Nous n’avons pas d’autres moyens que de vous amener à réfléchir à ce coup de force que vous êtes en train d’organiser méthodiquement.
Mme Françoise de Panafieu. Ça suffit !
M. Arnaud Montebourg. Vous le faites dans la procédure et sur le contenu de ce texte.
Donc, soit on discute sérieusement, et ce sera finalement assez simple, soit la confrontation va prendre de l’ampleur.
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
M. Alain Vidalies. Je pense qu’à ce stade du débat, les choses ont été dites.
Mme Françoise de Panafieu. Absolument.
M. Alain Vidalies. Tout le monde a compris ce qui s’est passé, et je tiens à rappeler cet épisode sous votre présidence que je salue, monsieur le président – et j’espère que vous serez des nôtres dimanche pour que nous exercions ensemble notre capacité à travailler le dimanche.
M. Jean Mallot. Après la messe !
M. Claude Goasguen. Avant la messe !
M. Alain Vidalies. Le texte sur le travail du dimanche avait été annoncé mais – cela s’est produit sous votre majorité comme sous d’autres majorités, certains textes ne séparent pas irrémédiablement la gauche de la droite – certains parlementaires considéraient que ce n’était pas forcément une avancée que de revenir à une législation du début du siècle sur le travail du dimanche. Le Président de la République avait exigé, malgré tout, que nous examinions ce texte. Mais vous n’avez pas été en mesure de mobiliser vos forces, alors vous êtes condamnés aux travaux forcés.
Nous voilà avec un projet de loi organique qui ne comporte en définitive qu’une disposition inacceptable, vous le savez : la limitation de la durée des débats.
Monsieur le rapporteur, vous vous gargarisez de grandes phrases sur le Parlement qu’on humilie. Mais les Français doivent comprendre de quoi nous débattons.
M. Claude Goasguen. Cela va être difficile !
M. Alain Vidalies. Consultons les statistiques. Depuis vingt ans, il n’y a pas eu plus de dix débats qui, pour la majorité ou pour l’opposition, sortent vraiment de l’ordinaire. Or nous ne demandons qu’une chose : que, dans un tel cas, c’est-à-dire dans des circonstances politiques qui peuvent être graves, notamment lorsque le pays traverse une crise sociale, la durée du débat ne soit pas limitée. Ce souhait n’a rien d’extravagant. Le refus obstiné que vous lui opposez montre assez la réalité de vos intentions.
Vous pouvez, certes, caricaturer notre position. Mais qu’arrivera-t-il quand, demain ou dans six mois, un texte de ce type viendra en discussion ? Vous utiliserez cette arme, dont vous pensez sans doute qu’elle est un moyen subtil de nous réduire au silence. Mais on ne fait pas taire le peuple. Ce jour-là, ceux qui – comment les en blâmer ? – ne suivent pas nos débats en ce moment comprendront ce que vous avez fait.
Dans cette discussion, l’opposition et la majorité devraient avoir les mêmes objectifs, du moins si les députés de l’UMP acceptaient de mener une réflexion globale sur le fonctionnement de nos institutions. Le sujet mérite mieux que le dédain que manifeste le rapporteur à notre égard.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le respect est une notion dont vous ignorez tout !
M. Alain Vidalies. Nous sommes contraints d’utiliser les procédures qui sont à notre disposition. Vous savez parfaitement que nous n’attendons qu’une réponse. Nous y consacrerons tout le temps qu’il faudra. Si elle ne vient jamais, vous porterez la responsabilité d’une véritable obstruction, c’est-à-dire d’une entrave à l’exercice normal de la démocratie et du débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Encore un tissu de contrevérités !
M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
M. Christophe Caresche. Avant d’en venir au sous-amendement, je veux souligner, pour aller dans le sens de M. Vidalies, qu’au cours de cette législature, le temps moyen consacré à la discussion des projets de loi a été moins important que pendant la précédente.
M. Bruno Le Roux. Malheureusement !
M. Christophe Caresche. On ne peut donc pas se plaindre de débats interminables, imputables à je ne sais quelle volonté d’obstruction de la part de l’opposition. Même si le débat sur le service public de l’audiovisuel s’est prolongé durant soixante-dix-huit heures et treize minutes, cette durée reste très inférieure à celle de certains débats, qui, à l’initiative de la majorité actuelle, ont dépassé une centaine d’heures au cours d’autres législatures. N’exagérons donc pas ce type d’accusation.
Le vrai problème tient au rythme que le Gouvernement, qui en fait un enjeu médiatique et politique, veut imprimer au travail législatif. Si nous voulons débattre dans de meilleures conditions, il faut que le Gouvernement accepte de revenir à un rythme plus mesuré.
J’en viens enfin au pouvoir de résolution. Si votre vision de nos institutions est respectable et cohérente, monsieur Warsmann, je la trouve trop rigide. Ne pourrait-on pas apporter davantage de souplesse à l’examen des projets de résolution, en adoptant le dispositif qui a cours en Espagne ? Votre rapport signale en effet que, dans ce pays, « c’est le Bureau du Congrès des députés qui, après avoir examiné la recevabilité de la proposition de résolution, décide de la renvoyer soit à la séance plénière, soit à une commission en fonction de l’importance du sujet abordé et de l’intention du groupe auteur de la proposition de résolution. » Pourquoi ne pas adopter cette procédure, qui respecte le groupe auteur de la proposition et permet d’en débattre en commission, s’il le souhaite et que l’importance du sujet le justifie ?
Mme Delphine Batho. Très bien !
M. Christophe Caresche. La procédure gagnerait en souplesse et l’Assemblée nationale pourrait débattre dans le respect des principes fixés par l’amendement n° 2.
M. le président. La parole est à M. Jean Mallot. (M. Mallot quitte sa place.)
Où allez-vous, monsieur Mallot ?
M. Jean Mallot. Comme le prévoit l’article 54, alinéa 4, du règlement, j’interviendrai à la tribune, pour donner plus de solennité à mes propos, ce que justifie l’objet de mon sous-amendement.
M. le président. En tout point identique à celui qui vient d’être défendu par M. Caresche !
M. Jean Mallot. Je m’en tiendrai à trois observations.
D’abord, l’amendement n° 2, adopté par la commission, à l’initiative de M. Warsmann, confère un caractère organique à l’article 2 du projet de loi, ce qui prouve qu’il faisait défaut dans la rédaction initiale. Or la majeure partie des 1 015 amendements déclarés irrecevables par le président Accoyer l’ont été au motif qu’ils n’avaient pas un caractère organique. Dès lors que cette modification a pu être votée, je souhaite, monsieur le président, que vous demandiez à M. Accoyer de revenir sur sa décision, en remettant au débat les amendements qu’il avait écartés.
Ensuite, comme l’a signalé M. Caresche, on comprend ce que le Gouvernement a en tête. En court-circuitant les commissions, il cherche à empêcher que la majorité et l’opposition puissent s’entendre sur un projet de résolution, ce qui le mettrait en difficulté.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. En quoi le texte l’empêche-t-il ?
M. Jean Mallot. Si l’on fait ainsi l’impasse sur le débat en commission, le texte arrivera directement en séance.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le texte n’interdit pas cette possibilité !
M. Jean Mallot. J’y reviendrai.
Enfin, l’opposition que vous avez établie, monsieur le secrétaire d’État, entre le travail en commission et en séance publique n’est pas pertinente.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je ne les ai pas opposés l’un à l’autre !
M. Jean Mallot. Tous deux sont complémentaires, puisque la commission prépare la discussion en séance. En l’espèce, puisqu’il s’agit d’informer les commissions parlementaires compétentes, procédure dont l’intérêt ne vous échappe pas plus qu’à moi, on ne peut séparer le débat sur les propositions de résolution de celui sur les autres textes en cours d’examen.
Imaginons, par exemple, qu’une proposition de résolution portant sur la révision générale des politiques publiques soit déposée alors que la commission des finances travaille sur le projet de loi de finances. Cette dernière n’aura-t-elle pas besoin de connaître le contenu de la résolution pour l’intégrer dans sa réflexion ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Et alors ?
M. Jean Mallot. C’est précisément ce que propose notre sous-amendement. Votre réaction montre que vous l’avez bien compris.
Pour prendre un autre exemple, imaginons qu’un projet de résolution soit déposé sur la refonte de la carte judiciaire, dans le but d’assurer la justice de proximité, au moment où la commission des lois et la commission des finances, saisie, l’une au fond, l’autre pour avis, examinent le budget de la justice. Celles-ci ne devraient-elles pas être informées d’un tel projet ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.
Mme Catherine Lemorton. Le sous-amendement que je défends devrait créer moins de désordre dans cet hémicycle que l’amendement n° 69, que j’ai soutenu hier soir (Sourires.) J’irai, pour ma part, dans le même sens que M. le secrétaire d’État, qui ne cesse de rappeler l’importance des commissions, ces lieux d’échange et de débat, où l’opposition tente, même si c’est souvent difficile, d’améliorer les textes.
Un soir, il y a quelques mois, quand nous débattions de la réforme des institutions,…
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Et si vous parliez du sous-amendement ?
Mme Catherine Lemorton. ….nous en étions arrivés à considérer que l’Assemblée devrait comprendre dix commissions. Puis, à la faveur d’un tour de passe-passe intervenu après une petite réunion occulte…
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Quel terme discourtois !
Mme Catherine Lemorton. …entre Mme la garde des sceaux, M. le secrétaire d’État et quelques parlementaires de la majorité, ce nombre a été réduit à huit. C’est dire si la majorité est aux ordres.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Allons bon !
Mme Catherine Lemorton. Voter nos sous-amendements, qui visent à donner plus d’importance aux commissions, n’est-ce pas aller dans le sens que vous préconisez, monsieur le secrétaire d’État ?
Vous savez dans quelles conditions nous travaillons en commission depuis dix-huit mois. Vendredi soir, nous avons découvert une proposition de loi du Nouveau Centre relative aux recherches cliniques sur la personne. Les amendements devaient être déposés au plus tard le lundi suivant à dix-sept heures. Je vous laisse juger si nous disposions du temps nécessaire pour étudier ce texte, sans effectuer aucune audition.
Autre exemple,...
M. Alain Vidalies. Voici M. Copé !
M. Jean-François Copé. Et où est M. Ayrault ? Apparemment, pas dans l’hémicycle !
Mme Catherine Lemorton. J’aimerais continuer, monsieur le président. Pourriez-vous demander à M. Copé, dont l’arrivée en séance crée chaque fois le désordre,…
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Quel argument ! Si vos électeurs l’entendaient, je ne sais pas ce qu’ils en penseraient.
M. le président. Tout le monde vous écoute, madame Lemorton. Votre temps de parole s’écoule.
Mme Catherine Lemorton. Il y a peu de temps, nous avons connu, dans cet hémicycle, une situation ubuesque. Nous nous sommes réunis pour discuter la proposition de loi sur le travail le dimanche, sans que la commission des affaires économique ait été saisie de la deuxième réécriture du texte, qui avait pourtant été transmise à la commission des affaires sociales. C’est pourquoi je m’étonne que M. Karoutchi n’ait pas à cœur de voir voter ces sous-amendements.
Vous connaissez le mot de Georges Clemenceau : « La démocratie, c’est le pouvoir pour les poux de manger les lions. » Vous voulez être les lions ? Nous serons les poux ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Marcel Rogemont. Excellent ! Remarquable !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Allons bon !
M. Jean-François Copé. Génial ! Je refais un clip la semaine prochaine !
M. le président. La parole est à M. Alain Néri.
M. Alain Néri. Monsieur le président, M. Copé m’accuse d’obstruction, mais il ne me laisse pas m’exprimer.
M. Alain Vidalies. Il est temps que M. Bertrand vienne mettre de l’ordre !
M. Alain Néri. La démarche du Gouvernement dans ce texte est assez incohérente.
D’abord, je rappelle que le président Séguin, en son temps, avait souhaité qu’il y ait moins de séances de nuit pour que le travail parlementaire soit plus sérieux, suivi et permette une véritable réflexion.
M. Jean-Michel Couve. Avec vous, c’est raté !
M. Alain Néri. Les conseils qu’il avait donnés avec cette sagesse qui l’a mené à la présidence de la Cour des comptes ne sont pas suivis et nous sombrons dans une précipitation de mauvais aloi.
Votre démarche est illogique donc, mais M. Warsmann ou M. le secrétaire d’État vont sûrement tout nous expliquer. Il est important de renforcer le rôle des commissions, dites-vous, et l’Assemblée débattra en séance publique non plus du texte du Gouvernement mais du texte issu de la commission. C’est bien en reconnaître le rôle éminent. Or, alors que, sans doute, vous cherchez comme nous à améliorer la qualité du travail législatif et celle des lois, vous ne semblez pas prêts à voter le sous-amendement que nous proposons à propos des propositions de résolution.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne comprends pas bien.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ah ça !
M. Alain Néri. C’est qu’en Auvergne, on comprend les choses simples. Expliquez-moi donc pourquoi, alors que les textes soumis en séance publique seront ceux issus des commissions, celles-ci ne pourraient pas examiner les propositions de résolution.
M. le président. Je vous remercie.
M. Alain Néri. Je n’ai pas terminé.
M. le président. Ce n’était qu’un avertissement, monsieur Néri. Il vous reste un instant.
M. Alain Néri. Monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez essayer de nous faire taire, essayer de nous placer déjà dans la situation que vous entendez créer avec ce texte. Mais, quand on est d’Auvergne, on ne lâche pas. Et on ne lâchera pas pour défendre la démocratie, les valeurs de la République et ses institutions.
M. Jean-Jacques Urvoas. Très bien !
M. le président. Sur le vote des sous-amendements identiques nos 3932 à 3953, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur cette série de sous-amendements ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Pour ceux qui suivent nos débats, je vais montrer la complète inutilité des discours que nous venons de subir pendant des dizaines de minutes.
On nous a ainsi proposé une série de vingt-deux sous-amendements identiques prévoyant que, lorsqu’une proposition de résolution est déposée, il faut en informer chaque membre de l’Assemblée puis, toujours pour faire de l’obstruction, on nous proposera vingt-deux sous-amendements identiques pour informer les présidents de groupe, puis vingt-deux sous-amendements identiques pour informer les commissions compétentes.
Merci vraiment d’exposer autant d’arguments pour nous montrer comment le travail parlementaire doit être réformé.
M. Jean-François Copé. Très pédagogique, en effet !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avez-vous bien conscience du ridicule de ces sous-amendements ?
Mme Françoise de Panafieu. Très juste !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Quand un collègue déposera une proposition de résolution dans les services de l’Assemblée, il recevra quelques jours plus tard un bon à tirer, qu’il signera. La proposition de résolution sera alors annoncée dans le feuilleton quotidien et mise en distribution, à la disposition de tous les députés, de toutes les commissions, donc aussi des présidents de groupe. Tout le public qui s’intéresse au travail parlementaire saura que la proposition de M. Untel a été publiée. L’information sera complète.
Ces trois séries de sous-amendements n’ont donc aucun objet et aucune portée autre que de bloquer les travaux de notre assemblée en lui faisant subir des dizaines de discours. J’en suis vraiment attristé pour l’image de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Monsieur Néri, vous me posez de nouveau une question à laquelle j’ai déjà répondu trois fois. C’est un jeu, sans doute, mais ainsi vous faites vraiment la démonstration de ce que la majorité et le Gouvernement sont bien obligés de considérer comme de l’obstruction. Je veux bien qu’on n’utilise pas le mot, mais déposer des séries de vingt-deux sous-amendements pour informer et les présidents de groupe et je ne sais qui, vous savez parfaitement que cela n’a aucun intérêt.
Je l’ai dit : nous voulons revaloriser le travail des commissions et si, dans la Constitution, nous avons inscrit un délai de six semaines entre le dépôt d’un projet et son examen en séance publique, c’est pour que la commission ait réellement le temps de débattre du texte qui sera désormais celui qui viendra en séance.
Mme Delphine Batho. Vous ne respectez même pas ce délai !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. C’est justement parce que nous voulons que les commissions aient réellement le temps de travailler sur les projets de loi, et les propositions qui viendront en plus grand nombre grâce au droit d’initiative partagé, que nous ne voulons pas que les propositions de résolution, qui ne peuvent pas être amendées car cela les dénaturerait, mais qu’on peut déposer par centaines, y soient aussi débattues, car cela tuerait le vrai travail législatif des commissions.
Alors, revenons à un vrai débat, à la réalité du travail parlementaire et faisons en sorte, ensemble, de trouver des solutions, comme nous venons de le faire sur l’article premier. En revanche ce blocage qui consiste à proposer des mesures contre-productives pour le travail en commission est inacceptable.
M. Bruno Le Roux. C’est vous qui avez décidé de faire un coup de force !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Si vous considérez qu’appliquer la Constitution est un coup de force, c’est vous qui vous mettez en dehors du cadre constitutionnel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les sous-amendements nos 3932 à 3953. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Delphine Batho. Je voudrais répondre !
M. le président. Ils ont été largement défendus.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 74
Nombre de suffrages exprimés 71
Majorité absolue 36
Pour l’adoption 27
Contre 44
(Les sous-amendements identiques nos 3932 à 3953 ne sont pas adoptés.)
Mme Delphine Batho. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est le cinquante-neuvième !
M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58, premier alinéa.
En effet le règlement offre la possibilité de répondre au rapporteur ou au Gouvernement. Or ce qu’ils ont dit méritait que nous fassions un certain nombre d’observations.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce n’est pas un rappel au règlement.
Mme Delphine Batho. D’abord, monsieur le secrétaire d’État, le délai de six semaines n’est même pas respecté pour ce projet de loi organique.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce n’est pas un rappel au règlement, c’est un débat !
M. Jean Mallot. Si, cela concerne le déroulement de nos travaux : article 58-1 !
Mme Delphine Batho. Ensuite, monsieur le rapporteur, vous n’avez pas répondu sur le fond,…
M. Jean Mallot. Il ne répond pas.
Mme Delphine Batho. …notamment sur la proposition de Christophe Caresche de s’inspirer du dispositif utilisé en Espagne…
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce n’est pas un rappel au règlement, c’est de l’obstruction.
M. le président. Madame Batho…
Mme Delphine Batho. …de sorte qu’une proposition de résolution puisse soit aller en commission soit venir en séance. En effet donner simplement à chaque parlementaire le droit de déposer une proposition de résolution qui sera publiée pour pouvoir dire dans sa circonscription qu’il l’a fait, cela ne sert à rien.
M. le président. Je vous remercie.
Mme Delphine Batho. Ce qui compte, c’est qu’elles puisent être adoptées par l’Assemblée nationale.
M. le président. Nous en venons à la série de sous-amendements identiques nos 3910 à 3941.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
M. Jean-Jacques Urvoas. L’intérêt des propositions de résolution est de permettre à la représentation nationale d’exprimer un sentiment sur une question d’actualité ou un défi que le pays doit relever, pour éclairer l’action du gouvernement. Vous avez refusé que l’ensemble des membres des commissions soient informés des propositions individuelles, brisant ainsi la réflexion collective. Nous vous suggérons, avec ce sous-amendement, d’informer au moins les présidents de groupe.
Cette fonction a été reconnue sur le plan constitutionnel à travers la conférence des présidents, de même que nous sommes désormais l’un des trois pays de l’Union européenne où la notion d’opposition a valeur constitutionnelle. Au passage, je regrette qu’on n’en ait pas profité pour donner corps au statut de l’opposition que nous appelons tous de nos vœux et auquel la lettre du président Accoyer est loin de répondre.
Chacun reconnaît l’importance des présidents de groupe. Lors de la discussion générale, des orateurs de l’UMP ont même exprimé la crainte que le projet de loi organique renforce encore leur poids. Le temps global d’expression que vous voulez instituer par l’article 13 sera probablement sous la responsabilité du président de groupe, ce qui lui donnera un pouvoir de coercition sur les membres, alors qu’un député n’est pas obligé d’adhérer à un groupe. C’est d’ailleurs l’une des difficultés sur lesquelles il faudra nous éclairer : comment serait attribué ce temps global, alors même que le droit d’amendement est individuel ?
Quelques amendements déposés par l’UMP semblent prévoir que chaque parlementaire soit doté d’un crédit de temps, mais le temps du groupe sera-t-il proportionnel au nombre de ses membres ? Dans ce cas, le président de groupe disposera d’une réelle autorité. Il n’est donc pas anormal qu’il soit informé chaque fois qu’un député prend l’initiative d’un projet de résolution. Puisque vous ne voulez pas qu’il en soit discuté dans les commissions, permettez au moins qu’il en soit discuté dans les groupes.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.
M. Arnaud Montebourg. Ne vous en déplaise, nous nous battons pour défendre les droits du Parlement. Aussi, par mesure de représailles, le Gouvernement a-t-il décidé de faire siéger l’Assemblée nationale samedi matin.
De nombreux collègues ont le sentiment que vous voulez intimider l’opposition en faisant ainsi usage de la force, d’une manière immodérée.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Parlez de votre sous-amendement.
M. Arnaud Montebourg. Toutefois, monsieur Karoutchi, vous devriez réfléchir au conséquences de cette attitude aux yeux de l’opinion publique.
Je vais vous donner les résultats d’un sondage commandé par La chaîne parlementaire. Je constate que lorsqu’on parle de sondages, M. le secrétaire d’État est attentif ! (Sourires.)
M. Jean-François Copé. Laissez donc M. Karoutchi tranquille !
M. Arnaud Montebourg. Ce sondage vaut aussi pour vous, monsieur Copé !
En tout cas, je constate que si l’on veut retenir l’attention du secrétaire d’État, il faut lui citer des sondages !
M. Jean-Jacques Urvoas. Tout dépend de l’institut de sondage !
M. Arnaud Montebourg. Il s’agit d’un sondage de l’institut CSA.
À la question : « Selon vous, les parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat contrôlent-ils suffisamment ou pas le pouvoir exécutif, c'est-à-dire le Président de la République et le Gouvernement ? », 30 % des Français répondent « Suffisamment » ; 59 %, « Pas suffisamment », alors que 11 % d’entre eux ne se prononcent pas.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Et alors ?
M. Arnaud Montebourg. Seconde question : « Les droits de l’opposition au Parlement, comme le partage du temps de parole – on parle de vos forfaits, monsieur le secrétaire d’État –, la création de commissions d’enquête, de missions d’information ou la possibilité de fixer l’ordre du jour une séance par mois, sont-ils suffisamment respectés au Parlement ? » Résultats : 30 % des Français répondent « Suffisamment », et 56 % « Pas suffisamment ».
Le sentiment d’une minoration des droits de l’opposition apparaît donc très clairement dans ce sondage (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), alors même que vous faites usage de la force pour nous contraindre à nous taire.
M. Copé l’a annoncé : il veut en finir avec nos rappels au règlement. Monsieur Copé, lisez donc ce sondage : vous êtes condamné par avance par ceux dont vous allez solliciter les suffrages ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
M. Jean-François Copé. Monsieur Montebourg, vous valez tellement mieux. Ne gâchez pas votre talent !
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.
M. Bruno Le Roux. Le secrétaire d’État et le rapporteur ont poussé des cris d’orfraie quand, à juste titre, nous avons dénoncé leur coup de force. Ils se sont justifiés en arguant que la Constitution permettait de modifier l’ordre du jour. Pourtant, monsieur Karoutchi, la façon dont nous participons au débat – ce que vous qualifiez d’obstruction – est également autorisée par la Constitution et par le règlement de l’Assemblée. Pourquoi alors pourriez-vous parler d’obstruction, tandis qu’il nous serait interdit de dénoncer un coup de force ?
M. Arnaud Montebourg. Les « obstructeurs », ce sont eux !
M. Bruno Le Roux. Vous savez parfaitement que le moment choisi pour mettre en œuvre certaines dispositions de la Constitution et du règlement n’est pas anodin. La modification de l’ordre du jour par la conférence des présidents, afin d’ouvrir des séances qui n’étaient pas prévues initialement, peut ne répondre qu’à une nécessité de travail, mais elle peut aussi, comme c’est le cas aujourd’hui, n’être qu’une tentative pour faire pression, une tentative de coup de force contre l’opposition. Nous ne sommes pas choqués quand vous parlez d’obstruction ; nous assumons même parfois le terme et la démarche qui nous conduit à bloquer le débat. Alors ne soyez donc pas choqués quand nous parlons de votre coup de force !
À dix-sept heures, monsieur le secrétaire d’État, vous avez quitté l’hémicycle pour rejoindre la conférence des présidents. Vous souhaitiez montrer à l’opposition la fermeté de votre volonté, et revenir parmi nous, non pas pour apaiser le débat, mais plutôt pour le précipiter.
La modification de l’ordre du jour nous apporte au moins un élément positif, puisque les séances de samedi seront retransmises en direct à la télévision. Cela aidera les députés de l’opposition et ceux de la majorité à se mobiliser pour montrer aux Français ce que vous voulez faire du Parlement. Vivement samedi matin, que nous puissions débattre de votre réforme, en direct, devant l’opinion publique !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Voilà une belle intervention d’obstruction ! Elle n’a aucun rapport avec le sous-amendement défendu par M. Le Roux.
M. Bruno Le Roux. Pour en venir à mon sous-amendement, de nombreuses propositions de résolution porteront sans doute sur des sujets d’actualité. Il est donc nécessaire qu’elles soient transmises sans délai aux présidents des groupes afin de mieux coordonner et de mieux organiser la discussion. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Lorsque le président d’une des assemblées transmet une proposition de résolution au Premier ministre, il faut que les présidents de groupe en soient informés. En vertu du verrouillage – que nous dénonçons – prévu à l’article 34-1 de la Constitution, le Premier ministre peut en effet opposer l’irrecevabilité : il faut donc que les présidents de groupe disposent d’un minimum d’informations. Tel est l’objet de mon sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. René Dosière.
M. René Dosière. Je crois, monsieur le président, que M. Copé veut s’exprimer.
M. Jean-François Copé. Je constatais seulement l’absence de M. Ayrault. Sans doute est-ce parce que le quorum a déjà été demandé ? Il estime qu’il n’a plus besoin de venir.
M. Jean Mallot. Et vous ne pouvez même pas en demander un second, monsieur Copé ! C’est que l’abus de quorum est dangereux ! (Sourires.)
M. René Dosière. Il est d’autant plus curieux que le rapporteur et la majorité se soient opposés en commission à l’information des présidents de groupe en matière de proposition de résolution que, pour la première fois de notre histoire, les groupes politiques sont désormais reconnus par la Constitution.
L’article 51-1 précise ainsi que : « Le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. Il reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’aux groupes minoritaires. » Les groupes sont également cités dans les articles 48 et 50-1 de la Constitution. Il s’agit d’une novation considérable.
Tous les parlementaires un peu expérimentés – qualificatif que l’on ne pouvait guère appliquer, en son temps, au député Nicolas Sarkozy (Murmures sur les bancs du groupe UMP)…
M. Jean-François Copé. Mais ne vous gênez pas, allez-y !
M. Jean Mallot. En tout cas, cela ne l’a pas fatigué !
M. René Dosière. …savent l’importance du rôle des groupes politiques dans l’organisation du travail parlementaire. Il s’est affirmé progressivement à partir du début du siècle dernier. Avant cela, à l’époque de Jaurès, l’organisation des débats était beaucoup plus « libertaire » qu’aujourd’hui, et chaque député pouvait prendre la parole comme il le souhaitait.
Désormais, le droit d’amendement individuel du député – pour autant que ce projet de loi organique ne finisse pas par y mettre fin – coexiste donc avec la reconnaissance constitutionnelle des groupes politiques.
Le sous-amendement permettant l’information des présidents de groupe s’inscrit dans la lignée de cette novation constitutionnelle que vous rangez parmi les droits nouveaux du Parlement. En réalité, si l’on considère la manière dont vous interprétez les textes, ces fameux « droits nouveaux » sont bien peu de chose.
M. Jean Mallot. S’ils existent, ils se réduisent comme peau de chagrin !
M. René Dosière. Ils ne sont que de la poudre aux yeux !
M. le président. La parole est à M. Jacques Valax.
M. Jacques Valax. Le groupe SRC fonctionne sur la base d’une conception très démocratique. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
M. Charles de La Verpillière. Avant ou après Martine Aubry ?
M. Jean Mallot. Chez eux, tout est verrouillé !
M. Jacques Valax. Ses membres sont solidaires et complémentaires (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), et son président est à la fois généreux, dévoué, compétent et de bon conseil. Je suis donc personnellement très attaché au sous-amendement qui prévoit son information systématique et directe concernant toutes les propositions de résolution de l’article 34-1.
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
M. Alain Vidalies. À ce stade de notre discussion, et après la dernière intervention de M. Karoutchi, j’ai bon espoir que notre débat puisse évoluer positivement.
Nous nous demandions si les propositions de résolution doivent être soumises aux commissions. Dans une envolée lyrique, un peu véhémente certes, M. Karoutchi nous a démontré que cette solution n’était pas tenable et relevait de l’obstruction. Selon lui cela empêcherait les commissions de fonctionner. Pourtant, monsieur le secrétaire d’État, cette disposition se trouve dans le projet de loi organique déposé par le Gouvernement. (Sourires.)
Alors, si M. Warsmann a pu pousser le Gouvernement à un changement de position aussi radical, je me dis que, finalement, avec du temps, nous pourrions aussi obtenir un revirement sur l’article 13 !
M. Jean Mallot. Excellent ! Le secrétaire d’État est cloué !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il vaut mieux entendre ça qu’être sourd !
M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
M. Christophe Caresche. Selon M. Karoutchi, si les propositions de résolution leur étaient transmises, il y aurait embouteillage dans les commissions. Il s’agit d’un argument nouveau et différent de ceux avancés par M. Warsmann. Cela étant je n’y crois pas.
Tout d’abord, l’examen en commission des propositions de résolution les moins sérieuses pourrait être assez rapide. Ensuite, le Gouvernement écarterait certaines propositions de résolution qu’il estimerait irrecevable au titre de l’article 34-1 de la Constitution. Enfin, le fait majoritaire incontournable garantirait le prompt examen de certaines d’entre elles. La procédure parlementaire permet donc l’examen de ces textes par les commissions dans la sérénité, ce qui invalide l’argument du secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Il serait sans doute plus raisonnable de laisser chacun des groupes politiques renvoyer les propositions de résolution dont il est l’auteur, soit à la séance publique, soit à l’examen de la commission compétente, selon le sujet abordé et la nature du texte.
Cette dernière pourrait alors effectuer un travail approfondi et sérieux. Par exemple des auditions peuvent être nécessaires et, d’une manière générale, la commission concernée peut juger utile de mener une réflexion sur la résolution proposée, afin d’éclairer l’Assemblée nationale. C’est pourquoi la proposition de M. Warsmann me paraît trop restrictive et trop expéditive. En effet, elle ne permettra pas un examen approfondi et serein des propositions de résolution ni, comme l’a très bien dit Mme Batho, l’instauration d’une discussion susceptible de conduire à leur adoption. Il conviendrait donc que le président de la commission et le Gouvernement revoient leur position.
En tout état de cause, je suis convaincu que le Sénat ne retiendra pas ce dispositif, car M. Hyest a développé, sur ce point, une interprétation différente de la vôtre, monsieur le rapporteur, beaucoup plus libérale et favorable à la prise en charge des propositions de résolution par les assemblées.
M. le président. Merci, monsieur Caresche.
M. Christophe Caresche. Encore une fois, je suis convaincu que nous reviendrons sur votre dispositif.
M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.
M. Jean Mallot. Pour faire gagner un peu de temps, je m’exprimerai de ma place, monsieur le président.
C’est avec une certaine émotion que je me suis aperçu qu’en un après-midi, le nouveau député que je suis s’est exprimé plus longuement que M. Sarkozy pendant les douze ans durant lesquels il a été parlementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. René Dosière. C’est vrai !
M. Jean-François Copé. Vous ne serez jamais Président de la République !
M. Jean Mallot. En outre, et cela ajoute à mon émotion, j’aurai assisté, en deux jours, à deux coups de force dans cet hémicycle : le premier a été le fait du président Accoyer, qui, d’un revers de la main, a écarté 1 015 de nos amendements sous des prétextes fallacieux, que nous avons contestés et que nous contestons toujours, car nous n’avons pas obtenu d’explications satisfaisantes ; le second est le fait du Gouvernement, qui, confronté à notre détermination, tient à nous faire siéger samedi. Mais nous serons là, calmes et tranquilles.
L’amendement de M. Warsmann prévoit que les propositions de résolution seront transmises au Premier ministre plutôt qu’aux commissions. D’une information interne à l’Assemblée, on passe ainsi à une information externe, puisque la proposition de résolution quitte le circuit législatif pour être transmise à l’exécutif ; c’est d’ailleurs ce qui confère à cette disposition son caractère organique. De ce fait, on passe d’un débat législatif à un débat entre l’exécutif et le législatif, ce qui donne à ce débat un caractère politique beaucoup plus prononcé. C’est pourquoi nous proposons, par ces sous-amendements, que les propositions de résolution soient transmises aux présidents des groupes parlementaires.
En effet, que se passera-t-il si, dans sa grande bienveillance, le Premier ministre décide – ce sera rare, assurément – de ne pas opposer son veto à la proposition de résolution ? Ses auteurs ainsi que les présidents de groupe chercheront à constituer une majorité pour la voter, le moment venu, dans l’hémicycle. Or, pour ce faire, il est indispensable que ces derniers aient connaissance du texte de la proposition.
Actuellement, chers collègues de l’UMP, vous êtes majoritaires à vous seuls. Certes, nous avons vu, lors des débats sur le texte relatif aux dérogations au repos dominical, que cela ne vous empêchait pas de rencontrer des difficultés lors de certains votes, n’est-ce pas monsieur Copé ? Néanmoins imaginons qu’il n’y ait, à l’Assemblée, qu’une majorité relative, comme ce fut le cas entre 1988 et 1993. Dans une telle situation, il est nécessaire de rechercher des majorités pour voter les textes, notamment les propositions de résolution. Il est donc indispensable que ces propositions soient transmises aux présidents de groupe.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean Mallot. Je m’achemine vers ma conclusion, monsieur le président.
Permettez-moi de terminer en prenant un dernier exemple, sur lequel nous aurons certainement l’occasion de revenir. Imaginez qu’une proposition de résolution porte sur la fiscalité : l’impôt doit-il être supporté par les plus riches ou par les moins riches, par exemple ? Sur de tels sujets, la recherche de majorités promet d’être difficile. Il est donc indispensable, je le répète, que les présidents de groupes soient informés sans délai des propositions de résolution.
M. Alain Néri. C’est implacable !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.
Mme Catherine Lemorton. Mon intervention sera brève, monsieur le président. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Ce que vous appelez de l’obstruction, mesdames, messieurs de la majorité, c’est de la résistance. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Si nous siégeons aujourd’hui sur ces bancs, c’est parce que nous avons été élus, comme vous, et notre voix vaut bien la vôtre.
M. Jean-Jacques Urvoas. Absolument !
M. Jean Mallot. Très juste !
Mme Catherine Lemorton. Je vous mets en garde, très sincèrement et très calmement : un jour, nous formerons la majorité et vous serez dans l’opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Yves Albarello. Ce n’est pas demain la veille !
Mme Catherine Lemorton. En soutenant ce texte, vous sciez la branche sur laquelle vous êtes assis ; peut-être est-ce d’ailleurs la raison pour laquelle, certains soirs, le président du groupe UMP est plus souvent debout qu’assis ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean Mallot. Il ne s’assoit jamais ; il a peur de perdre sa place !
M. Alain Vidalies. Il surveille si M. Xavier Bertrand arrive !
Mme Catherine Lemorton. Quoi qu’il en soit, ce que vous êtes en train de faire est grave. Vous traitez notre collègue Arnaud Montebourg par le mépris lorsqu’il nous fait part des résultats d’un sondage. Mais allez donc sur le terrain expliquer objectivement ce que vous êtes en train de faire, et vous verrez que nos concitoyens comprendront très bien ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Parce que vous ne prenez sans doute pas le temps de le faire (Protestations sur les bancs du groupe UMP.),…
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Dans chacune de vos interventions, vous êtes discourtoise !
Mme Catherine Lemorton. …il est de notre devoir d’expliquer à nos concitoyens en quoi consiste votre projet et de les défendre ; nous le ferons jusqu’au bout.
Pour conclure, permettez-moi de faire cette citation, dont je vous laisse deviner l’auteur ; elle vous aidera peut-être à réfléchir : « Malheur à nous si nous n’avons pas la force d’être tout à fait libres. Une demi-liberté nous ramène nécessairement au despotisme. » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean Mallot. Très bien !
Mme Françoise de Panafieu. On pleure !
M. Jean-Michel Couve. Si nous sommes majoritaires, c’est parce que le peuple l’a voulu. Pourquoi niez-vous le fait majoritaire ?
M. Jean Mallot. Nous ne le nions pas !
M. le président. La parole est à M. Alain Néri.
M. Alain Néri. Une fois encore, nous sommes obligés de constater que l’actuelle majorité a une approche paradoxale de ce texte. En effet, alors que la Constitution reconnaît désormais officiellement le rôle des groupes parlementaires, donc celui de leurs présidents, vous nous expliquez qu’il ne serait pas convenable que ceux-ci puissent être informés des propositions de résolution en même temps que le Premier ministre.
Il m’avait pourtant semblé vous entendre affirmer, la main sur le cœur, que vous souhaitiez un équilibre entre l’opposition et la majorité. J’ajoute pour ma part, et je pense que vous en conviendrez, qu’il faut également veiller à l’équilibre entre l’exécutif et le législatif. C’est la raison pour laquelle il me paraît normal que les présidents de groupe soient informés au même titre que le Premier ministre du dépôt d’une proposition de résolution.
Chaque parlementaire est libre de déposer un tel texte, de même que le droit de vote est personnel, ainsi que le précise la Constitution. Néanmoins, pour la bonne organisation de la vie collective de notre assemblée, il convient que les groupes parlementaires soient informés des propositions de résolution, et tout particulièrement leurs présidents.
Il est important que vous compreniez que nous ne défendons pas les droits de l’opposition parce que nous sommes dans l’opposition ; nous défendons les droits du Parlement. Toute situation est fragile. Vous êtes aujourd’hui dans la majorité, mais vous n’êtes pas à l’abri d’un effet boomerang, qui n’existe pas seulement en Australie. Rappelez-vous : après cette formidable vague bleue de 1993, vous croyiez être installés dans la majorité pour l’éternité, surtout en 1995, après le succès de Jacques Chirac lequel, à l’époque, n’était pas qualifié de « roi fainéant ».
M. le président. Monsieur Néri, veuillez conclure.
Mme Françoise de Panafieu. Merci, monsieur le président !
M. Alain Néri. Or, en 1997, vous vous êtes subitement retrouvés dans l’opposition. Ce sont donc vos futurs droits que nous sommes en train de défendre.
Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes, comme moi, attachés à la liberté d’expression. Celle-ci doit être garantie dans cette enceinte, car le Parlement est précisément le lieu où l’on doit pouvoir parler.
M. le président. Merci, monsieur Néri.
M. Alain Néri. Monsieur le président, je terminerai par une citation de Voltaire. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Allez-y.
M. Alain Néri. « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire ». Eh bien, ce serait l’honneur de l’Assemblée nationale et de la majorité…
M. le président. Merci, monsieur Néri !
M. Alain Néri. …que de voter nos amendements pour nous permettre d’exprimer une opinion différente de la vôtre.
M. le président. Sur le vote des sous-amendements identiques nos 3910 à 3931, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur cette série de sous-amendements identiques ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous venons encore de passer une trentaine de minutes à écouter nos collègues défendre une série de sous-amendements identiques, déposés de manière à permettre à leurs signataires de garder la parole le plus longtemps possible. Or la disposition proposée n’a aucun intérêt pratique. En effet, chaque fois qu’une proposition de résolution sera déposée, l’information sera publiée dans le feuilleton, la proposition imprimée, mise en distribution et publiée sur le site Internet de l’Assemblée. Toute personne pourra donc l’obtenir, notamment les députés et, a fortiori, les présidents de groupe.
Il s’agit donc d’un cas exemplaire de blocage de l’Assemblée nationale. Nos collègues ont parlé de choses et d’autres, ont critiqué les uns et les autres, notamment le Président de la République ; bref, ils ont parlé pour ne pas dire grand-chose. Aussi est-il vraiment nécessaire que nous achevions l’examen du projet de loi organique afin de moderniser le travail de l’Assemblée et de le rendre plus efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. René Dosière.
M. René Dosière. Je veux répondre au rapporteur.
Tout d’abord, celui-ci conteste les propos que nous avons tenus. Or, fort heureusement, chaque député est encore en droit d’exprimer une interprétation personnelle.
Ensuite, il nous accuse d’obstruction. Nous sommes là au cœur de nos débats. En effet, ainsi que nous l’avons déjà expliqué, la Constitution de la Ve République ne permet pas de parler d’obstruction, puisque le Gouvernement dispose de tous les moyens nécessaires pour faire voter ses textes. Qu’il y ait un ralentissement de la discussion, c’est vrai, et nous nous en réjouissons. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Après tout, la démocratie américaine – pourquoi ne pas s’y référer, puisque M. Besson parlait de « Sarkozy l’Américain » ? – autorise les parlementaires à s’exprimer longuement, non pas pour bloquer les débats, mais pour les ralentir. Nous utilisons, nous aussi, tous les moyens dont nous disposons pour faire durer la discussion.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Merci de cet aveu !
M. René Dosière. Au reste, je vous démontrerai ultérieurement que cette pratique n’est pas nouvelle. En effet, en 1894, Jaurès soulignait déjà cet usage de la procédure. Celui-ci est donc traditionnel et il repose sur la conviction que le Parlement est fait pour discuter, pour écouter. Certes, des excès sont possibles, mais, encore une fois, mieux vaut un excès de parole plutôt qu’un silence excessif !
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean Mallot. C’est le règlement ! Vous n’allez tout de même pas aller contre le règlement !
M. Bruno Le Roux. On ne peut que s’étonner de la réponse lapidaire du Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d’État, vous ne semblez pas avoir compris…
M. Thierry Mariani. Mais si, il a tout compris !
M. Bruno Le Roux. …que nous souhaitons être éclairés, lors de ce débat, sur la manière dont le Gouvernement envisage le nouveau droit de résolution. Nous vous demandons de nous préciser sur quoi pourront porter ces propositions de résolution, comment s’organiseront les débats en séance, et ce qui permet de garantir que ce processus pourra être considéré comme un nouveau droit et non comme un pis-aller, ou comme un défouloir à l’intention des députés, comme vous semblez le penser.
Nous voulons que l’instauration de ce droit de résolution débouche sur la mise en œuvre d’un véritable processus législatif et non sur une caricature qui pourrait inciter le Gouvernement à traiter par le mépris les propositions introduites au Parlement par ce moyen.
M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les sous-amendements identiques nos 3910 à 3931.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 72
Nombre de suffrages exprimés 72
Majorité absolue 37
Pour l’adoption 25
Contre 47
(Les sous-amendements identiques nos 3910 à 3931 ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de plusieurs sous-amendements identiques, nos 3932 à 3953.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
M. Jean-Jacques Urvoas. Notre assemblée vient de repousser successivement deux séries de sous-amendements visant à ce que les commissions, puis les présidents de groupe, soient informés des projets de résolution. Avec cette troisième série de sous-amendements, nous proposons que les parlementaires soient destinataires des projets de résolution.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ils le sont tous ! Ces sous-amendements sont donc parfaitement inutiles, et montrent que vous n’avez pas d’autre objectif que de nous faire perdre du temps !
M. Jean-Jacques Urvoas. Les propositions de résolution n’ont pas vocation à mettre en cause la responsabilité du Gouvernement. Je me suis permis, tout à l’heure, d’interpeller M. le secrétaire d’État afin de savoir en quoi pourrait consister une résolution mettant en cause la responsabilité du Gouvernement. Sauf erreur de ma part, il va de soi que le Gouvernement n’aura pas le droit de recourir à l’article 49, alinéa 3 sur une proposition de résolution. En revanche, il pourra faire usage de l’article 49, alinéa 1, et il me semble que l’opposition parlementaire pourrait parfaitement demander, après l’adoption d’une résolution, l’application de l’article 49, alinéa 2, entraînant le dépôt d’une motion de censure. Je souhaite que M. le secrétaire d’État confirme mon interprétation sur ce point, afin que la représentation nationale soit parfaitement informée.
Par ailleurs, je veux revenir sur un point extrêmement important qu’a évoqué tout à l’heure notre collègue Christophe Caresche, à savoir la manière dont les propositions de résolution vont être évoquées dans nos deux assemblées.
Les deux lectures du projet de loi de révision constitutionnelle ont bien montré qu’il existait une différence d’appréciation spontanée entre notre assemblée qui, par la voix de son rapporteur, ensuite confirmée par la majorité des députés, refusait le principe des résolutions, et le Sénat, qui paraissait au contraire y être extrêmement attaché. Il a sans doute fallu à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement tout l’entregent qu’on lui connaît pour réussir à concilier ces points de vue divergents et parvenir à un compromis.
À l’époque, Jean-Jacques Hyest, rapporteur au Sénat, déclarait : « Nous voulons que la loi organique fixe les modalités de mise en œuvre du droit de voter des résolutions afin que les résolutions adoptées à l’Assemblée nationale et au Sénat soient de même nature et que les modalités ne soient pas différentes selon les règlements. » Le rapporteur de notre assemblée, Jean-Luc Warsmann, a fait voter un amendement modifiant radicalement la perspective élaborée dans un compromis qui, quoique relativement instable, avait tout de même passé l’épreuve du congrès.
M. le président. Concluez, monsieur Urvoas.
M. Jean-Jacques Urvoas. Il faut que nous soyons conscients que l’échafaudage bâti par M. Warsmann est extrêmement fragile : je ne vois pas comment, après la position exprimée par Jean-Jacques Hyest il y a quelques mois – et que partageait d’ailleurs le président Josselin de Rohan, alors rapporteur pour avis –, le Sénat pourrait aujourd’hui se contenter de la disposition visant à supprimer l’intervention des commissions dans le parcours d’une résolution. Il y a une difficulté qu’il faudra bien résoudre, puisque, s’agissant d’un projet de loi organique, il n’y aura pas de commission mixte paritaire, les deux assemblées devant nécessairement trouver un accord.
M. le président. Merci !
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
M. Dominique Raimbourg. J’espère que l’intervention à laquelle je vais procéder ne sera pas hâtivement considérée comme ma contribution personnelle à ce en quoi certains ne voient qu’une tentative d’obstruction. Ce serait une erreur, la série de sous-amendements que nous vous proposons poursuivant un objectif tout à fait sensé. La proposition de résolution, qui entraîne nécessairement un débat, ne peut être traitée de façon mécanique, à la manière dont la gestion d’un courrier entrant aboutit à l’émission d’un courrier sortant.
M. Jean-Jacques Urvoas. Très bien !
M. Dominique Raimbourg. Une proposition de résolution doit être digérée et métabolisée au moyen de sa discussion par l’Assemblée. Vous avez écarté l’examen de la proposition de résolution en commission et la possibilité pour son auteur de la modifier ; ce faisant, vous avez supprimé ce travail de délibération que l’on trouve parfois insupportablement long, mais dont l’absence, se traduisant nécessairement par un recul de la pratique démocratique, paraîtra tout aussi insupportable.
Si une proposition de résolution ne peut être évoquée en commission et si ses signataires ne peuvent la modifier en fonction des discussions qui auront lieu, il faut au moins que chaque membre des assemblées en soit informé. À défaut, nous aboutirons à ce que des propositions de résolution fassent l’objet d’un examen par une assemblée plénière totalement indifférente, ce qui se traduira par un travail insuffisant et par un texte qui pâtira forcément de ce désintérêt, ne serait-ce qu’en termes de retentissement sur le plan politique. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons de voter cette série de sous-amendements.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Y aura-t-il un scrutin public sur cette série de sous-amendements, monsieur le président ?
M. le président. Je n’ai pas été saisi d’une demande en ce sens.
La parole est à M. Bruno Le Roux.
M. Bruno Le Roux. Les séries de sous-amendements que nous proposons visent à ce que les propositions de résolution suivent un processus plus complet que celui proposé par le Gouvernement, et permettant une véritable discussion. Pourquoi ne pas confier à un groupe de parlementaires la mission d’examiner comment les propositions de résolution sont discutées au sein des assemblées d’autres pays européens ?
Je crains que, de la même manière que l’on nous accuse aujourd’hui de consacrer trop de temps à l’examen des amendements, on ne nous fasse demain le même reproche au sujet des propositions de résolution. Au Danemark, en Italie, au Royaume-Uni, au Portugal, en Espagne, en Italie, il existe aujourd’hui des procédures permettant au parlement de « coller » à l’actualité, pas seulement au moyen de questions au gouvernement, mais en donnant son avis, en travaillant sur le fond en séance publique et, dans de nombreux cas, en produisant du consensus.
On ne parvient jamais au consensus sur les projets de loi rédigés par le Gouvernement, ceux-ci étant trop clivés, trop clivants, et n’ayant souvent pas d’autre motivation que la volonté de réagir à chaud sur des problèmes d’actualité. Au contraire, l’introduction de résolutions bien préparées, ayant fait l’objet d’une large diffusion auprès des membres de l’Assemblée, ayant été discutées comme il se doit en commission et ayant été éventuellement amendées, peut être à l’origine d’un nouveau processus de fonctionnement de notre démocratie. C’est peut-être un pari fou, mais nous avons tout à y gagner, et ne venez pas me dire, monsieur le secrétaire d’État, que les propositions de loi suffisent à démontrer votre volonté de respecter l’opposition et, au-delà, le Parlement.
Mme Cécile Gallez. Oh !
M. le président. Il faut conclure.
M. Bruno Le Roux. Depuis le début de la législature, pas une seule fois, vous n’avez accepté que nous passions à la discussion des articles d’une proposition de loi ! Si le Gouvernement prétend donner des pouvoirs nouveaux au Parlement, il doit commencer par modifier sa façon de déposer la loi au Parlement, de discuter la loi, et de considérer les parlementaires dans le cadre de l’examen des propositions de loi et, demain, des propositions de résolution.
M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Le Gouvernement et le rapporteur nous expliquent en substance que le droit de résolution est une sorte de droit individuel, que les propositions de résolution ne méritent pas d’être discutées en commission, qu’il n’est pas nécessaire d’informer les présidents de groupe.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Non, nous avons expliqué qu’ils le seraient tous automatiquement !
Mme Delphine Batho. Nous estimons qu’il est au moins nécessaire d’informer l’ensemble des députés qu’une proposition de résolution déposée a été transmise au Premier ministre. En effet, c’est le Premier ministre qui doit décider si la proposition de résolution est recevable ou non. À la page 77 de son rapport, M. le rapporteur indique en effet que « pour les résolutions, c’est au Premier ministre qu’il appartiendra d’estimer si une proposition de résolution contient une injonction ou est de nature à mettre en cause la responsabilité du Gouvernement ».
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Oui, c’est la Constitution !
Mme Delphine Batho. « On ne peut pas préjuger de l’interprétation qui sera faite de cette disposition par les premiers ministres successifs, puisque la Constitution ne renvoie pas à des critères objectifs, mais à ce que le Gouvernement « estime ». La rédaction du deuxième alinéa de l’article 34-1 ouvre en effet la voie à une irrecevabilité très large, puisque, outre celles qui comportent une injonction, sont irrecevables non seulement les propositions de résolution qui, en elles-mêmes, sont de nature à mettre en cause la responsabilité du Gouvernement, mais également celles dont le rejet aurait le même effet. Elle pourrait donc être interprétée comme interdisant une résolution apportant le soutien d’une assemblée à la politique du Gouvernement, son rejet pouvant être interprété comme mettant en cause la responsabilité du Gouvernement. La Constitution laisse cependant une très grande marge d’appréciation au Gouvernement, qui pourrait donc avoir une conception moins restrictive de la recevabilité des propositions de résolution. »
Nous estimons pour notre part que chaque député – notamment les députés de la majorité – doit pouvoir intercéder auprès du Premier ministre pour l’aider dans son appréciation du caractère recevable ou non d’une proposition de résolution…
M. le président. Merci, madame Batho.
Mme Delphine Batho. Les cinq minutes dont je disposais ne sont pas terminées, monsieur le président.
M. le président. Il vous reste effectivement quelques instants pour conclure.
Mme Françoise de Panafieu. Plus que dix secondes !
Mme Delphine Batho. On voit bien les conséquences très graves pour la majorité parlementaire auxquelles un tel mécanisme pourrait aboutir, dans la mesure où le rejet d’une proposition de résolution pourrait être interprété comme une absence de soutien au Gouvernement.
Mme Françoise de Panafieu. C’est terminé, madame Batho !
Mme Delphine Batho. Il faut que le Premier ministre puisse discuter avec les parlementaires de la majorité et, pour cela, il est nécessaire que ceux-ci soient informés.
M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 2, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. René Dosière.
M. René Dosière. Il peut sembler paradoxal que je défende ce sous-amendement concernant l’information de chaque membre des assemblées, alors que j’ai précédemment défendu un sous-amendement visant à informer les présidents de groupe. Des esprits mal intentionnés pourraient m’accuser de vouloir allonger le débat. (Sourires.)
Je veux simplement faire remarquer que si nous discutons aujourd’hui de ce sous-amendement, c’est que l’Assemblée n’a pas voulu adopter le précédent. Si vous aviez accepté que les présidents de groupe puissent être informés, il ne nous aurait pas semblé nécessaire de demander que chaque membre puisse être directement informé. C’est l’obstination du Gouvernement et de sa majorité à refuser les améliorations que nous souhaitons apporter qui fait durer le débat, car nous sommes contraints de recourir à des solutions de repli.
Je vous indique au passage que c’est en 1910 que les groupes politiques ont été reconnus dans cette assemblée et que les membres des commissions ont été désignés à la proportionnelle à la suite de la délibération de la Chambre des députés ; et c’est en 1911 qu’a été créée la conférence des présidents, au cours de laquelle est fixé l’ordre du jour de l’Assemblée.
M. Jean-Pierre Soisson. Ça, c’est exact !
M. René Dosière. Ces renseignements figurent dans l’ouvrage de Daniel Garrigue sur l’histoire du Parlement, que le président Debré a fait éditer lors de la précédente législature.
Cela étant, il est souhaitable que chaque membre des assemblées puisse être informé de toute proposition de résolution.
M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
M. Christophe Caresche. Cette discussion est loin d’être inutile. À travers les sous-amendements que nous présentons – qui ne font que reprendre des amendements initialement déposés à l’article 2 – surgissent des interrogations auxquelles il conviendrait que le président de la commission et le secrétaire d’État répondent.
Le texte est profondément modifié par l’amendement de la commission.
Une première question se pose, que Jean-Jacques Urvoas a évoquée. En effet nous sommes dans le cadre d’une loi organique ; aussi, voudrions-nous savoir si ces modifications sont à l’initiative du seul président de la commission des lois ou si elles ont fait l’objet d’une concertation. On peut imaginer qu’il existe des relations entre les groupes de la majorité de l’Assemblée nationale et du Sénat. Comme nous sommes, je le répète, dans le cadre d’une loi organique, il faudra que celle-ci soit adoptée dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat. Les propositions qui nous sont présentées aujourd’hui ont-elles été élaborées collectivement ?
Cet élément est nécessaire pour éclairer nos débats, y compris au sein de la majorité. Si ces propositions ont été faites de manière isolée, il est probable qu’elles seront remises en cause par le Sénat, en tout cas par le rapporteur du texte au Sénat. En effet celui-ci a développé une conception des résolutions correspondant à ce que nous avions dit ici lors de la révision constitutionnelle, soit une conception beaucoup plus libérale que celle élaborée par le président de la commission et la majorité de notre assemblée. Tel est l’objet de notre première interrogation : dans quel cadre ces propositions sont-elles faites ? Sont-elles cohérentes avec la conception développée par le rapporteur du Sénat ?
La deuxième question porte sur le point suivant. Les résolutions sont prévues par la Constitution. La loi organique doit donc aboutir à en fixer les modalités.
M. le président. Veuillez conclure !
M. Christophe Caresche. Pour en revenir au problème que pose cette loi, nous aurions souhaité qu’elle fixe un cadre le plus ouvert possible. Les propositions qui nous sont faites vont trop loin dans la précision. Nous aurions souhaité que le Gouvernement et la commission se livrent à une approche du texte plus globale, laissant aux assemblées et au règlement intérieur le soin de codifier plus précisément les choses.
M. le président. La parole est à M. Bernard Lesterlin.
M. Bernard Lesterlin. Ce matin, nous sommes sortis d’une période de blocage et nous sommes revenus ensemble à des débats plus sereins. Nous avons retiré de nombreux amendements qui pouvaient apparaître comme étant identiques. Or, monsieur le secrétaire d’État, je crains que vous ne recréiez la situation que nous avons connue hier et en début de matinée, car vous alimentez la suspicion sur d’éventuelles arrière-pensées du Gouvernement.
M. Guy Lefrand. C’est un procès d’intention !
M. Bernard Lesterlin. Non, et je vais m’en expliquer sereinement devant M. Karoutchi.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez dit que le président Warsmann vous avait convaincu et vous semblez souscrire à son amendement n° 2, qui sera mis aux voix dans un instant. Or, s’agissant de cet amendement, M. Warsmann nous a indiqué, en substance, que le dispositif prévu par le Gouvernement dans ce texte de loi organique était trop compliqué et qu’il faisait perdre du temps.
De deux choses l’une : ou M. Warsmann vous a convaincu et, dans ce cas, il s’agit d’une véritable injonction du président de la commission des lois à l’égard du Gouvernement ; ou vous avez convaincu M. Warsmann qu’il convenait de modifier le projet gouvernemental. Dans ce cas, vous n’êtes plus seulement chargé des relations avec le Parlement, vous êtes devenu le ministre de tutelle du Parlement ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Guy Lefrand. Second procès d’intention !
M. Bernard Lesterlin. Nos sous-amendements successifs s’inscrivent dans une logique de repli. Nous voulons aider le Gouvernement à revenir à la transparence à laquelle il nous dit être attaché et qui sous-tendait le texte original.
M. le président. Merci de bien vouloir conclure !
M. Bernard Lesterlin. Je termine. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
C’est la raison pour laquelle, après avoir proposé l’information des commissions puis des présidents de groupe, nous proposons, dans un souci de transparence, l’information de chaque membre de notre assemblée.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.
Nous attendons une nouvelle citation, madame Lemorton !
Mme Catherine Lemorton. Cette fois, monsieur le président, vous n’y aurez pas droit. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) Mais je recommencerai dès ce soir !
Je serai brève.
Bernard Lesterlin a raison : nous sommes dans une situation de blocage. Vous avez compris ce matin comment il était possible de débloquer la situation. Pourtant, cet après-midi, vous refusez tout : le passage en commission et même la discussion. Vous refusez de prévenir les présidents de groupe qui, au fond, auraient fait le travail de sous-amendement que nous sommes en train de faire. Nous aurions ainsi gagné du temps et du papier.
Nous regrettons que vous bloquiez le débat, car c’est bien vous qui faites du blocage, pas nous. Pour notre part, nous ne souhaitons qu’avancer. C’est pourquoi je vous demande d’accepter ces sous-amendements à l’amendement n° 2.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette série de sous-amendements ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Une fois encore, je le répète, cette série de vingt-deux sous-amendements vise à défendre une disposition qui n’a aucun effet pratique ni aucune utilité.
Chers collègues, chaque fois que vous déposez une proposition de loi, vous recevez, quelques jours après, un bon à tirer des services de l’Assemblée. Vous le signez, et la proposition est diffusée. Tous les députés peuvent se la procurer au service de la distribution et elle figure sur le site Internet de l’Assemblée. En outre, vous êtes tous informés de la parution de la proposition de loi grâce au petit journal qui sort quotidiennement et que l’on appelle Le Feuilleton.
De la même manière, toute proposition de résolution recevra un numéro et sera mise à la disposition des députés qui voudront la lire, par le service de la distribution et sera accessible, sur le site Internet de l’Assemblée nationale, à tous ceux qui voudront suivre nos travaux.
Vous nous accusez de faire du blocage, alors que vous déposez des sous-amendements qui n’ont aucun intérêt, sinon de vous laisser l’opportunité de nous assener une série d’interventions, que vous avez de plus en plus de mal à terminer, car vous êtes en panne sèche et vous n’arrivez même plus à remplir vos cinq minutes de temps de parole !
M. René Dosière. C’est de la provocation !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Tout cela est très triste !
Je demande à l’Assemblée de repousser ces sous-amendements, en regrettant cette situation et en répétant que le projet de loi du Gouvernement est utile. J’en veux pour preuve l’image que nous renvoyons depuis plusieurs heures : ce n’est vraiment pas de cette façon que le Parlement doit travailler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Sur le vote des sous-amendements nos 3932 à 3953, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Bernard Lesterlin.
M. Bernard Lesterlin. Je répondrai à l’intervention du rapporteur par une seule question. Qui, de M. le secrétaire d’État ou du président Warsmann, a convaincu l’autre ?
M. René Dosière. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. René Dosière.
M. René Dosière. Monsieur le président, je suis au regret de faire ce rappel au règlement.
Vous n’ignorez pas qu’entre l’annonce d’un scrutin public et le vote, il doit s’écouler cinq minutes. Or vous venez juste d’annoncer la demande de scrutin public. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Compte tenu de cette disposition de notre règlement, les présidents de séance annoncent toujours les scrutins publics avec un peu d’avance…
M. le président. Je n’ai reçu la feuille verte de demande de scrutin sur les sous-amendements qu’il y a un instant.
M. René Dosière.…pour ne pas se retrouver en panne. Or vous venez de l’annoncer il y a deux minutes à peine ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Je souhaite que l’on respecte le délai de cinq minutes, pour permettre à nos collègues qui ne sont pas dans l’hémicycle et qui doivent venir voter, de pouvoir nous rejoindre.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Chacun se souviendra que, il y a quelques minutes, je vous ai demandé, monsieur le président, si vous étiez saisi d’une demande de scrutin public sur ces sous-amendements. Vous m’avez alors répondu que ce n’était pas encore le cas. Chacun aura donc compris que le jeu de l’opposition est de faire perdre du temps à l’Assemblée nationale en faisant au dernier moment la demande de scrutin public…
M. le président. Tout à fait.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. …pour interrompre le débat et nous faire perdre à nouveau cinq minutes avant de pouvoir procéder au scrutin public.
Toutes les techniques qu’utilise l’opposition pour essayer de retarder le débat seront inscrites au compte rendu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean Mallot. Pour l’instant, monsieur Warsmann, c’est vous qui faites traîner le débat !
M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les sous-amendements nos 3932 à 3953.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 69
Nombre de suffrages exprimés 68
Majorité absolue 35
Pour l’adoption 20
Contre 48
(Les sous-amendements nos 3932 à 3953 ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 2.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 71
Nombre de suffrages exprimés 70
Majorité absolue 36
Pour l’adoption 48
Contre 22
(L'amendement n° 2 est adopté.)
M. le président. L’article 2 est ainsi rédigé.
En conséquence, les amendements n°s 3695, 75 à 96, 97 à 118, 44 et 3670 tombent.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma